friends on the other side || orion

19/09 ; 14h01 ; OOTD + lieu

« Ah. » commenta Kim quand la porte s’ouvrit après qu’elle en eut donné l’autorisation. « Bonjour, cher revenant. »

Elle termina de nettoyer avec précaution son objectif 70-200 avec une microfibre duveteuse qui donnait envie de s’allonger en son creux pour le restant de ses jours, et replia cette dernière avec précaution. L’oeil noir fixa un instant Orion tandis que Kim considérait la propreté de la lentille, puis elle boucha cette dernière avec le cache prévu à cet effet, et rangea le précieux objet dans sa sacoche de photographie.

« Belle remontée. » commenta-t-elle, appuyée contre son bureau tandis que le héros pénétrait dans la pièce, bien plus accueillante que celui qu’Orion lui avait toujours connu. « Quoique vous vous faites bien remarquer depuis votre retour, de ce que me disent mes collègues. »

Si Athena n’avait bien sur rien ébruité du petit « dérapage » d’un des plus âgés des trainees de son agence, la nouvelle avait fait le tour du service depuis cette matinée du 15 septembre où leur confrère Stanley Yoon était revenu d’une très longue astreinte dont il avait cru ne jamais voir le bout.

« J’ai appris pour votre ex-disciple. Je suis navrée. »

Elle ne semblait pas l’être, mais elle était sa psychologue et pas son amie. Elle connaissait un peu le terrain suicidaire étant donné son métier – et son enfance avec un frère quelque peu vulnérable – et si elle avait encore été en contact avec sa famille, elle aurait repris une couche, puisque Han connaissait la victime. Il la connaissait même très bien.

« Vous pouvez retirer vos gants, maintenant que la situation a changé. » assura-t-elle. Ses propres mains aujourd’hui étaient elles-mêmes nues. « Vous souhaitez boire quelque chose ? »

19/09 ; 14h01 ; OOTD

« - Vieux réflexe de classe S, vous devez connaître. » Cet amour de l'attention, qui pour certain devient presque maladif. Il lui adresse un sourire amer, d'un cynisme aussi doux qu'il est mordant. Il s'efface, souffler par un vent d'amertume apportant de vilains nuages d'orage. Ils viennent se refléter à la surface noire du regard de l'ancien détenu. Cachent, un peu, la douleur et la peine qui persistent à l'enchaîner à cette trouille monstrueuse qu'il a ressentit ce matin là.

« - Pas la peine de faire semblant. Il est vivant, c'est le plus important pour l'instant. » Et il veillera à ce qu'il le reste. Ne pourra pas l'aider, pour ces autres problèmes qui le grignote de l'intérieur, exactement comme ses propres problèmes le bouffent et qui expliquent pourquoi il est là.
Elle est le début d'une enfilade de rendez-vous désagréables faisant partie de sa remise en service. Une fois par mois, plus si son état le nécessite, Paperthin devra se soumettre à des tests. Des vérifications de routine, rien de bien méchant. Juste pour être certain qu'il est en bonne santé. Tu parles.

« - La situation ? Mon hiatus qui a sauté hm ? » Un petit rire grinçant accompagne son avancée dans le bureau. Jusqu'aux baies vitrées par-delà lesquelles il regarde un instant. L’absence d'ouverture, d'air,  cisaille déjà ses nerfs. Il n'y en avait non plus, dans le bureau coincé sous terre.
« - Un whisky sans glace ? Je dis pas non, sinon rien, ça ira. » Aucun bon praticien n'aura d'alcool dans son bureau, sa propre bêtise laisse filer un autre petit murmure de rire, son pied venant buter contre le cul du tapis roulant tandis qu'il retire avec ce calme de rituel, l'un après l'autre, ses gants de cuir.

« - Sympa ce bureau, plus engageant que l'autre... Vous préférez que je me mette où, sur le canapé ou le tapis ? »

19/09 ; 14h01 ; OOTD + lieu

Mais Wang Kim n’était pas une bonne praticienne.

Elle décolla ses reins de son bureau, referma sa housse d’appareil photo dans un cliquetis cher, et contourna le meuble pour déposer sa sacoche sur une étagère juste derrière. Pendant qu’Orion se prenait de passion pour le paysage – une mer de brume que la tour dépassait de plusieurs dizaines de mètres – Kim ouvra une armoire laquée de blanc dans laquelle elle préleva une bouteille à fond épais remplie d’un liquide ambré. Le col de la bouteille rencontra un verre cristallin de la même composition, et elle en versa une quantité qui lui souleva le coeur.

« Je suis payée pour vous faire parler. » Elle déposa le verre sur le bord du bureau et le fit glisser jusqu’à son extrémité avec un calcul qui indiquait que ce geste ne lui était pas étranger. « Donc je vais vous faire parler. »

La phrase était aussi menaçante que la voix était posée, mais à la différence d’une cellule de prison ou d’une salle d’interrogatoire, Orion avait la possibilité de partir de la pièce quand il le désirait ; elle ne le retiendrait pas. Elle n’avait pas le temps pour ça.

« Où vous le souhaitez. » indiqua-t-elle finalement en refermant l’armoire. « Là où vous êtes le plus à l’aise. Asseyez-vous, allongez-vous, faites les cent pas, montez sur le tapis de course, faites ce que bon vous semble.»

Elle dévissa pour sa part le couvercle d’une boîte cylindrique pleine de protéines en poudre, où elle préleva une cuillière doseuse qu’elle versa dans un shaker qui fut bientôt rempli d’eau. Elle le secoua vigoureusement et le laissa reposer sur le bord de son bureau, où elle s’attabla, dans son fauteuil de méchante héroïne maîtresse du monde. Son regard d’obsidienne se posa sur son patient.

« J’ai donné mon feu vert pour votre remise en liberté conditionnelle. Vous avez exécuté votre mission et vous avez été reclassé. Qu’est-ce qui peut donc bien vous amener ? »