La vie c'est pas d'attendre que l'orage passe mais de savoir que la pluie chasse les lacrymo. || Sooah

Vert
Rouge
Vert
Rouge
Vert
Rouge

La terre tournait. Vite. Fort.
Les feux de circulation lui donnaient l’impression que c’était Noël et que les girlandes clignotaient sans discontinuer, lui collant des migraines. La nausée courait dans sa poitrine comme une belette prise en chasse et cherchant à se cacher, griffes plantées dans le moindre élément du décor. Ses poumons compressés cherchaient l’air et son coeur pompait désespérément du sang. Ses jambes flageolaient. La pierre poisseuse sous ses doigts semblait palpiter. Elle avait perdu l’un de ses gants au passage, ou peut-être était-il simplement lacéré.

Elle n’avait pas compris tout de suite ce qu’il se passait, mais les affrontements n’avaient ensuite fait plus aucun doute. Elle ne se promenait jamais sans son casque, sans sa paroi contre le monde, sans les cachets par dizaines qui lui permettaient de lutter contre l’anxiété ces derniers temps.
Pourquoi t’es pas allée à Single Heroes Kim, en souvenir du bon vieux temps ? Ca t’aurait fait du bien de voir le soleil...et de manger un peu, t’es maigre comme un clou.

Fermez vos gueules, putain.

Elle tourna à l’angle de la rue. Le goudron abattu de soleil fumait encore. L’odeur se répandait dans l’air et lui donnait envie de gerber. Les affrontements semblaient s’être calmés mais la panique l’étreignait. Ses doigts démêlaient frénétiquement ses écouteurs de secours pour les placer sur ses oreilles et les brancher sur son téléphone.

Feu vert.

Elle poussa le dernier single d’UTOPIA (qu’elle détestait) à fond pour que les vibrations s’arrêtent, pour penser à autre chose. Pong ne répondait pas malgré ses appels. Elle traversa la route. Et les vibrations empirèrent.
T’es en couple ? Quand est-ce que tu nous le présente, le p’tit père ? Il va bien ? Il survit ?

« TA GUEULE ! »

Elle fut aveuglée soudainement par les phares de la voiture. Dérapage contrôlé, klaxons en folie. Le choc contre le parechoc se répercuta dans ses os et la percussion contre sa peau d’acier fit un bruit de tonnerre. Elle roula sur le sol, avec ses écouteurs qui criaient.

Feu rouge.

Et sur le monticule de gravats, on ne la voit pas.

L’a beau courir dans tous les sens, elle s’essouffle. Pourtant, c’est la raison d’être de sa présence. Courir. Glisser entre les cailloux. Manquer de s’étouffer dans la poussière et dans la pénombre. Avec elles·eux, peut-être.

Chaque petite voix, chaque petit souffle d’air qu’elle perçoit et entend qui s’amoindrit. Et elle doit de nouveau courir. Grimper. Escalader. Et le mod l’aide mais qu’est-ce qu’elle s’épuise. Qu’est-ce qu’elle étouffe.

Elle a mal.

Mais persiste jusqu’à ne plus en pouvoir. Jusqu’à atteindre la limite. Si proche. Si proche… encore.

Et c’est la réplique de trop.

La terre tremble et elle croit que c’est sur elle que dévale ces énièmes débris de pierre et de métal, prêt, si proche de la dévorer.

Et qu’elle court, trop petite pour s’éloigner, fuir le désastre auquel elle ne sait même plus faire face.

Et qu’elle court.

Grandissant de nouveau.

Petit à petit.

A mesure que la peur gagne.

Sait si bien courir. L’a pas eue le bon pouvoir, la fourmi.

Aurait du pouvoir courir vite, pas disparaitre sous les décombres de ses rêves.

Pensait pouvoir ne plus voir les désastres de la nature. Pensait ne plus voir de corps broyés.

Pensait être définitivement rescapée, échappée, envolée de ces missions trop violentes, de ces aides ubuesques qui ne servent à rien mais qu’elle donne et donne. Et qu’elle croit, d’abord, que cela serve avant de comprendre qu’elle n’est rien qu’une poussière inutile.

Pas héroïne, simple mascotte.

Reprend son souffle, rougie, transpirante. Et qu’elle en crache ses poumons. Et qu’elle n’en peut plus de ce costume prêt à l’engloutir.

Tout cela n’a aucun sens.

Son pouvoir est inutile,

sa vie n’a pas de sens,

la vie, n’a pas de sens.

Et que s'entrechoque les voitures. Que le métal se scinde et que les phares l’aveuglent.

Fracas, gronde plus fort que le tremblement de la terre. Le cauchemar ne cessera jamais.

Et Kami ne cessera donc d’exister.

« Putain ! Vous allez bien ?? »

Court jusqu’au véhicule, tête ensanglantée s’en extirpe sur un son qui arrache les oreilles. Très mauvais goût, si elle lui demandait un avis un jour. Et que la fourmi tire  la brindille pendant que l’autre véhicule se casse

et qu’elle regrette de n’être qu’une fourmi.

Il faisait chaud.
Puis froid. Puis chaud.

Kim grogna et se retourna dans son lit. Il était plus dur et plus petit que d’habitude. Sa tête lui faisait mal. Etait-ce donc la période de ses migraines de règles, déjà ? Ou elle avait trop forcé sur son pouvoir la veille. Il fallait qu’elle se lève prendre un verre d’eau et un cachet. Mais elle était si bien...Mais qu’est-ce qui faisait autant de bruit ? C’était son fils qui pleurait ? Qui avait laissé la fenêtre ouverte.
Maintenant qu’elle y réfléchissait, peut-être s’était-elle endormie dans son bureau, à Athena. Elle faisait ça souvent ces derniers temps.

D’où venait cette insupportable sonnerie de téléphone ?
Et qu’est-ce qu-

Kim revint à elle avec l’inspiration d’une noyée. Ses yeux papillonnèrent devant l’amalgame de sons et d’images qui se présentèrent à elle. Les cordons de ses écouteurs s’étaient enroulé autour de son cou et lui rentraient dans la peau. Au dessus d’elle, une jeune femme d’une grande beauté la fixait, les yeux agrandis de panique. Quelque chose de chaud coulait sur son visage.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » souffla-t-elle. « Qui êtes-vous ? »

Elle surveilla ses mods, qui étaient restés activés et qui, dieu merci, avaient fourni un bouclier efficace qui lui avait évité le pire. Elle se redressa douloureusement, s’agrippant à l’inconnue restée près d’elle. Son regard balaya les environs, s’écarquillant de secondes en secondes. Sonnée, elle mit un temps fou à assembler les éléments, les événements.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Qu’est-ce que j’ai fait ?