bazarland || sooha

Ce musée était un putain de mausolée.
Par ses immenses allées et ses œuvres qui valaient une fortune, véritables pièces d’archéologie convoitées par les plus grands collectionneurs, il avait tendance à réduire tout le monde au silence, abasourdi par autant de beauté. Brusquement, le musée devenait église, lieu d’hommage et de recueillement, et tout le monde la fermait. Même s’ils étaient des centaines.

On aurait dit un enterrement. C’était triste à crever.
Ce calme était trop bizarre et il le stressait.

Les couloirs étaient si grands et les plafonds si hauts ! L’acoustique devait être incroyable, mais on avait confisqué à Jiji ses accessoires d’enregistrement à l’entrée, pour une raison tout à fait logique – il était vaguement illégal d’enregistrer les gens sans leur consentement Jiji, espèce d’abruti.

« Soo-soo, t’es là ? » chuchota-t-il, espérant ne pas chasser sa toute petite amie par son souffle. Il ne savait plus si elle était perchée sur son oreille ou dans ses cheveux, ou si elle tapait sa meilleure sieste dans le creux de sa clavicule. Il aimait bien quand elle était là, ça lui permettait de mieux gérer son anxiété dans la foule, et il avait l’impression d’avoir un petit familier – mais ça c’était pas très gentil alors il ne lui disait pas. « Viens on met le bordel, ça m’a saoulé c’t’ambiance de veillée funèbre. »

Il plongea ses mains dans ses poches, ronchon, et réprima une envie de fumer. Son entraînement avec Orion lui avait bien niqué la gorge et ce n’était pas le moment d’endommager davantage ses cordes vocales.
S’il poussait de la voix ici, il allait prendre la branlée du siècle et un hiatus des familles. Eh mais attends, est-ce que ça serait pas un bon plan pour repousser son diplôme ça ?

Jiji fit tournoyer entre ses doigts une boîte de petites allumettes oubliée dans le fond de sa poche. Ses phalanges commençaient à fourmiller de cette mauvaise idée.

Que c'est assommant le silence !

Est-ce que Jiji l'a emmené dans un temple ? A l'effigie d'Athena peut-être ? Il y a une fête dernièrement ? Un anniversaire ? Pourquoi elle avait dit oui ? Elle en baille, nichée au creux de la clavicule de son comparse. La sieste était toujours plus fun quand on était proche d'un ami qui pouvait à tout moment vous protéger. Ou vous souffler dessus et vous faire vous envoler. Mais il n'aurait pas fallut qu'il se rapproche de trop près. Elle avait accepté de l'accompagner par bonté d'âme. Ou par ennui, mais c'était intrinsèquement lié dernièrement. Pas comme si Athéna avait grand chose à faire de la fourmis. Elle se demandait, parfois, quand elle basculerais sur la dernière ligne. Elle ne vivait plus que dans l'attente de ce moment.

Car à moins d'un miracle, l'héroïne n'était plus qu'une farce.

Qui trainait avec des anciens trainee.

Une farce.

Que au moins Jiji rendait plus agréable. A défaut d'honneur, elle a le soutient.

Elle voit déjà ses narines s'approcher. La sieste aura pas duré. Faut croire, il est encore plus impatient qu'elle. Et alors qu'il a l'air de franchement plus savoir où elle se trouve, elle ne peut s'empêcher de s'accrocher un peu à la peau. A deux doigts de la souffler à l'autre bout de la pièce. C'est à peine si on la prendrait pour une poussière. Un poil de chat peut-être.  

Il s'ennui ? Ca y est ? Il était temps ! La fourmis, faut qu'elle court pour atteindre l'oreille, histoire qu'il l'entende tout  de même. Ca demande quelque minute et du cardio toujours aussi qualitatif. Elle est presque plus rouge quand elle fait ça, maintenant.

« Il était temps ! J'ai cru que tu m'avais fait venir juste pour pas être tout seul. »

Très probable, probablement plus que tout autre raison. Mais faut la rassurer Sooah. De temps à autres. Lui rappeler qu'elle n'est pas que de la poussière sur le coin du meuble.

« Tu veux que je leur fasse peur ? J'en ai pour 2.6 secondes de réapparaitre. »

Sooah, elle est déjà prête. Un peu d'animation n'a jamais tué  personne et surtout, si il y a un avantage à toute cette histoire de pouvoir, c'est de pouvoir disparaitre sans laisser de traces. C'est peut-être pour ça qu'elle s'en tire toujours. Et que Jiji se met plus souvent à défaut. Mais il le sait, non ?