iNSTEAD! || Orion

15/09 ; 8h07

Orion ne parlait plus. Il avait du partir. Il avait le droit, après tout. Jiji vérifierait plus tard, pour l’instant il était trop fatigué. Il n’avait pas froid, c’était déjà ça. Il aurait pu pourtant, juste avec ce drap et cette robe humiliante qui s’ouvrait dans le dos. Peut-être que la mort n’était pas si froide, finalement. Peut-être qu’il allait juste s’endormir et ne jamais se réveiller. Cela aurait été plus agréable qu’il ne le pensait.

Tout à coup, une présence se rapprocha. Un poids s’appuya sur le lit, sans doute une infirmière. La chaleur trouva le chemin de sa main abandonnée dans le vide. Quelque chose vint palpiter délicatement contre son bras. Un frisson chaud (?!) s’enroula autour de son poignet comme un bracelet. Des doigts serrèrent doucement les siens, juste ce qu’il fallait. Juste une présence agréable. Peut-être qu’il rêvait de sa mère, mais il ne devait pas ouvrir les yeux parce que sinon, elle allait disparaître, et comme elle avait déjà disparu de sa vie sans un regard en arrière parce qu’il était trop con pour marcher dans le sillage de son frère et de sa sœur.

Une caresse se glissa contre sa paume. Peut-être que c’était la grue qu’il avait demandée, et dont il rêvait aussi. Jiji décida que tout ça était un rêve, parce que comme ça il pouvait faire ce qu’il voulait, ça le réconfortait de savoir qu’il avait le contrôle sur les choses et que personne n’allait le lui prendre. Tandis qu’il sombrait doucement, sous le sceau d’un baiser sur sa tempe moite, il attira contre son torse ce bras bienvenu, coinça son coude dans le creux de celui de l’autre et déposa sa joue glacée contre le dos de cette main venue serrée la sienne. L’odeur du papier lui effleura les narines. C’était un papier particulier, qui sentait la poussière, le sang et le cuir. Un papier comme les livres des brocantes qui avaient bien vécu – il avait fait de l’ASMR avec ces livres, un jour. Un de ces meilleurs roleplays. Il devrait peut-être recommencer.

Ronronnant, Jiji nicha son nez froid contre les jointures massives, un peu trop pour être celles de sa mère d’ailleurs mais ce n’était pas grave. Ce bras lui tenait chaud et il allait en profiter tant qu’il était là.

« J’ai merdé. » chuchota-t-il de son souffle perturbé. « J’ai déçu mes darons et maintenant, ils veulent plus de moi. C’ma faute. J’ai fait l’con pendant trop longtemps et j’ai dépassé les limites. J’suis plus rien pour eux maintenant. Tu pourras leur dire que j’suis désolé… ? Ca les f’ra pas revenir mais...au moins... »

Il soupira, avalé lentement par les limbes du sommeil.

« au moins ils sauront...que je les aime. »

15/09 ; 8h07 ; OOTD

« - Ils le savent Jiji. Malgré les déceptions et la distance, tous les parents le savent. » Tous les enfants du monde s'accrochent à cette idée que quelque part, malgré tout le mal qui peut se faire, leurs parents les aime.
Même Orion y avait cru, à se dire du haut de ses dix ans que ses parents n'avaient pas voulu son départ. Que sa mère l'aimait très fort et qu'elle n'avait pas eu le choix. Avec le temps et ses ravages, Orion avait oublié jusqu'au visage de sa mère. Elle restait une voix fade, un rire. Une odeur. A l'instar de ses sœurs. Son père, lui, avait été entièrement effacé de sa mémoire. Et peut-être que c'était mieux comme ça.

Son coude glisse un peu contre le matelas dur, lui permet de s'installer dans une position plus confortable sans chercher un seul instant à reprendre son bras devenu doudou. Au contraire. Il laisse son autre main venir recouvrir les autres doigts de Jiji, s'y dépose avec la légèreté d'un papier réchauffé par des heures passées sous un brûlant soleil d'été.
Son buste s'étend à moitié sur l'oreiller. La position n'est pas la plus confortable du monde mais pour un type qui a passé huit ans à vivre dans si peu d'espace avec un confort sommaire, c'est mieux que rien. Il aura mal quand il devra se lever, ça ne sera qu'un ajout supplémentaire sur les courbatures que sa nuit de sexe tisse discrètement sur chaque fibre de ses muscles.

Orion vacille dans le silence. S'oblige à rester éveillé malgré la fatigue, se concentre sur la caresse de son pouce contre la peau de Jiji qui semble se réchauffer légèrement.
La porte s'ouvre sur un murmure feutré. La lumière de l'extérieur envahi la chambre et une infirmière s'y matérialise. Elle se fige un instant, le regard dardé sur Orion, l’entrelacs des mains nues et finalement sur les gants sur le chevet.

« - Allez cafter si ça vous chante, je lui ai rien fait. Et je lui ferais rien. »  Les caméras ont vues. Les alertes n'ont pas sonnées. Elle pince les lèvres, hésite encore entre aller chercher son supérieur ou faire son travail, puis s'approche pour effectuer les contrôles d'usage avec la discrétion d'une souris.
Trop d'impersonnel dans cette piaule pour qu'il garde ses gants de toute façon. Jiji n'a pas besoin d'une autre enveloppe pour le protéger. Il a besoin de chaleur. De réconfort. D'humanité pour lui rappeler que c'est pas si mal de vivre.
Que le mal est une infime partie de ce que l'on éprouve à chaque respiration. Que le ressentir c'est exister et qu'il ne faut surtout pas le laisser s'étendre. Prendre trop de place.

Il lutte encore un moment qui lui paraît s'étendre sur plusieurs heures. Une éternité. Puis Orion s'endort malgré sa volonté, le bout de son nez tombant contre les cheveux emmêlés de Jiji. Ses doigts se nouant plus fermement à ceux du trainee, comme le font les loutres lorsqu'elles s'endorment. Pour ne pas se lâcher pendant leur dérive.