[ inner peace ] — orion&sujin #1

les herOlympics au cœur de l'actualité ; tous les médias étaient focus sur l'événement et relayaient en continu des informations à son sujet, de quoi tenir en haleine les Séoulites qui s'apprêtaient à recevoir dans leur cité, des supporters venant du monde entier. tout un village olympique avait été construit pour l'occasion, et plusieurs appels à volontaires avaient été lancés dans le pays. il n'avait pas résisté à l'engouement populaire, proposant ses savoirs, sa patience et son temps pour le bon déroulement des jeux — il y avait aussi perçu tout un aspect bien plus égoïste et personnel, qu'ainsi il pourrait y amener Soo Ah sans avoir à payer des places à des prix exorbitants. tout acte de charité n'était jamais réellement désintéressé.

— You're way too kind with me, i'm not that pure. l'espace d'un instant, aussi fugace qu'un éclair, passe dans son regard cette violente culpabilité qui, parfois, refait surface.  aussitôt présente, et voilà qu'il la chasse de son éternel sourire, ravage sur des eaux moins calmes qu'elles n'y paraissent. — Swimming would be perfect for your recovery, once the wound has healed. We could go together, i love that too. la proposition n'est pas le fruit du hasard, c'est une main qu'il tend en espérant qu'Orion la saisira. l'espoir de se revoir, de rattraper ce temps qui lui échappe sans cesse ; et la question demeure en suspens, pour l'un et pour l'autre — what happened these last years ?

c'est alors qu'il la sent de nouveau, elle va et vient par vagues, la houle pleine d'insécurités dont le sel s'écrase sur la peau comme une brûlure. la confession le renvoie à un océan de douleurs dont il ignore tout. elle force la réflexion, aussi l'infirmier prend un temps avant de répondre, se concentrant sur la plaie et les points de suture. lorsqu'il se redresse enfin, c'est avec douceur qu'il répond. — I think that's normal. Any change is scary. Especially those that involve a radical change in life. il ne pouvait prétendre à le comprendre, comment aurait-il pu ? lui qui avait choisi de rester dans l'ombre, de vivre loin des radars d'Athena, tout égoïste qu'il était. à se cacher, comme un lâche. il n'avait pas grand mérite en comparaison ; mais il était sûr d'une chose. — Besides, you may be Paperthin again, but you'll always be Orion. And that's something that can't be erase. les héros restaient des hommes et des femmes, avec des sentiments et des émotions ; cela était bien trop souvent oublié au profit des industries déshumanisées. sur leurs épaules, ils portaient le monde, Sujin ne pouvait pas l'ignorer — pas lui.

« - Nobody is, but you, in you this part is bigger than for the rest of us. Always has.  » La pureté se mesure à bien des choses, et beaucoup ne prennent même pas la peine d'en prendre conscience. Les bonnes âmes sont rares, existent et se retrouvent malgré elles prisonnières entre ces autres aux noirceurs leur servant de manteau, irrémédiablement attirées par elles tout en sachant pertinemment le danger qu'elles risquent de leur offrir.
A ce moment précis et malgré les brumes d'oxygène se promenant dans son cerveau, Orion peut en citer deux. Une est ici, dans cette alcôve faite de rideau. L'autre est quelque part entre les frontières de Seoul l'infatigable.

Orion soupire, sa cuisse se crispe sous un point plus sensible que la suture vient toucher et le regard glisse. Le long du bras de Sujin jusqu'à atteindre ses mains. Ses cils les caressent un instant, songeurs puis vient l'éclat du sang. Le présent se superpose alors, lentement, sur le passé. Deux images s'assemblent, sa cuisse devient ses mains. Minuscules, vierges de tout encre. Rougies par une mer sans fond dégueulant son flot mortel au creux de ses paumes et un minuscule oiseau de papier mal-formé.
Un cri perce le silence.
Il cille, recraché brusquement sur la plage de sa réalité, reprenant le contrôle de sa nuque qui s'était laissée aller à une mollesse de songerie.

La douceur l'attire tel un aimant, elle fait revenir son regard vers celui de l'homme droit à ses côtés.
« - Hm, yeah, i's a deal then, we'll go. I missed it when I was... Away, the touch of water, the freedom it gives. Early morning, if it's okay with you ? » Une esquisse de sourire presque désolé d'imposer un rendez-vous aussi tôt vient affleurer ses lèvres. Avant qu'elles ne se pincent.
Distillent sur les traits la timidité d'une vague gênée.

« - Don't say things like this. » Tu ne sais pas. Il aimerait pourtant, qu'il sache mais ce n'est ni le lieu ni le moment. A défaut alors, Orion s'arrache du dossier, tangue maladroitement sur l'axe de son corps lui paraissant soudain si lourd jusqu'à parvenir à poser sa main sur celle, gantée de Sujin. Douce ironie.

« - If it weren't for you, I wouldn't have stayed here, these places give me the creeps... » Ils l'avaient tous remarqués. Les doigts pressent la main, cuir contre latex.
« -  I... I'm glad our paths are crossing again Jin, I really am. » Une fragilité presque douce s'insinue dans sa poitrine d'où filent les éclats d'une reconnaissance sincère allant bien au-delà de celle que l'on accorde à quelqu'un qui vient de vous rapiécer. Elle est bien plus intime, de celles que l'on offre à ces êtres chers que l'on se refuse de perdre à nouveau.

am i ? really ? pure...
conscience se heurte à un foutu constat réaliste et se fourvoie ; elle peine. à chérir le compliment, à l'accepter en toute simplicité et avec humilité — car la colère, féconde, s'érige sur des montagnes de peurs et d'insécurité, difficiles à dépasser. néanmoins, le voilà qui sourit, encore et toujours ; érigé là, sur ses lèvres ourlées, il illumine ses traits fatigués car il sent aussi l'envie d'Orion, son cadeau, de le gratifier ; et surement qu'il le pense, qu'il a une haute estime de lui et qu'il n'hésite pas à le lui dire, pour lui offrir un peu de sérénité. c'est ce que font les amis, pas vrai ?

il n'ajoute rien, le silence le préserve. puis, se concentre sur l'application de sa tâche méticuleuse. du sang s'écoule, elle glisse le long de sa cuisse, pour venir former une petite tâche sur la housse du brancard, il ne s'en préoccupe pas. ce n'est qu'une fois qu'il a terminé sa tâche, qu'il nettoie avec une compresse l'ensemble de son œuvre. la peau, bien ficelée va cicatriser rapidement ; ce ne sont pas les premiers stigmates qu'il arbore, Orion, après tout. sa main reste posée, au plus proche de la plaie alors qu'il l'observe ; cet ami dont il ignore tout à présent — et pourtant son cœur lui est grand ouvert. —  Early in the morning is good. aux levers du jour, lorsque l'aube est encore pleine de promesses et qu'il quitte les lieux maussades, aux humeurs taciturnes. un bol d'air, une brise légère et le soleil qui caressent ses joues rondes ; le bonheur a le goût de ce qui ne nous appartient pas.

— Don't say things like this.
— Why ?
qu'il rétorque en attrapant sa main, en l'aidant à se hisser et à se tenir bien assis ; et dans son coeur, il cherche des réponses sans parvenir à les trouver ; certaines peines ne ressentent mais ne savent pas s'exprimer. i can feel you're still here, being yourself.
— I'm glad too. You should stay and rest. I'll make sure nobody bother you. I'll come check on you in an hour, what d'you think ?
les doigts liés aux siens, et les regards vissés ; il pourrait sentir son coeur battre plus fort sous la tension qu'il ressent, de tous ces non-dits qui frappent avec force contre sa cage thoracique, comme s'ils s'apprêtaient à tout faire voler en éclat. — After that, we could go for a drink or a meal, we have so much to tell. would it be too much, if i say that i don't want to lose you ever again ?

« - An hour, yeah, I think I can do that. » La petite pièce tangue et roule sur elle-même lorsqu'il se retrouve à devoir tenir assis sans appui sinon la main de Sujin qu'elle serre dans la sienne à faire chanter d'une voix ténue le cuir de son gant. La nausée est au bord des lèvres, retourne son ventre jusqu'à lui donner la sensation d'être au bord d'une falaise sans qu'il ne puisse parvenir à en sauter.
Le regard trouble plonge vers le sol, par-delà sa cuisse recousue, le pansement trop blanc, ses pieds tanguant au-dessus du vide jusqu'au carrelage attirant son esprit.
Les joints dansent, ondulent tels des vagues, Orion peut presque les entendre, les murmures de la mer soufflant sa douce chanson à son oreille. Une pluie de frissons mord son échine et il soupire, presque timidement. Avec la pudeur de ceux qui ne supportent pas que l'on assiste à leur moment de faiblesse tant ils redoutent de se faire dévorer ensuite.

Sujin ne le dévorera pas.
Il n'est pas le monstre entre ces murs. Mais la main tendue, liée à la sienne pour lui offrir une force qu'il peine encore à recouvrer entièrement. Des vagues-carrelages s'arrache le regard, remonte à la surface de celui de cet allié inattendu et retrouvé. S'y ancre avec la ferveur de ces fous perdus retrouvant un semblant de normalité.
Quelque part entre les feuilles froissées et déchirées de sa poitrine, son cœur bat un peu plus fort. Distille toute la reconnaissance et cette inestimable confiance qu'il lui porte. De la tendresse en murmure de papier chantant sous la brise d'un remerciement qui n'a pas de mots.

« - Much time to catch right... No it's not, I feel the same way and I guess you know it. » Because we're alike, you and I que semble dire son silence. Le sourcil qui se soulève légèrement sur la courbe d'un aveu muet. Orion n'en a jamais eu la confirmation mais il a été rapidement conscient que son ami n'est pas plus humain qu'il peut l'être.

« - You won't, lose me, I'm here now, I won't go anywhere. But it's my treat. » Une heure, c'est presque rien quand on y pense alors pourquoi des doigts de glace s'amusent-ils à tracer des rosaces assassines partout sur sa peau ?
Une heure à essayer de détendre un esprit toujours trop en mouvement et il pourra sortir. Retrouver un ami qui en sera réellement un, une fois délesté de cette maudite blouse blanche. Qu'il peut détester le blanc.

il tangue.
sous les effets des inhalations d'oxygène, ou bien de la douleur ; le corps devient lourd et vacille, en équilibre précaire sur le brancard — et si sa main s'accroche plus fermement à la sienne, que ses muscles se tendent pour réduire les oscillations involontaires, il y a dans ce décrochage éphémère comme un besoin vital d'escapade, témoignage cruel d'une trop forte privation de liberté — Sujin le ressent. même sa peur est brimée par des forces supérieures, des injonctions déplaisantes et une culpabilité qui se veut trop lourde, écrasante.

la lutte ne dure que quelques secondes, mais elle est largement suffisante. lorsqu'enfin, Ori s'ancre à son regard, c'est une compassion féroce qui l'engloutit entièrement ; et il n'aime pas tant, Sujin, se faire déborder par ses propres émotions. il a toujours du mal à bien les discerner, à bien les comprendre, à réagir face à elles, adopter le bon comportement. — You're good, you're healed. murmure-t-il sans le quitter du regard, comme pour le ramener à cet instant, loin des vagues tortionnaires qui semblent vouloir le couler par le fond. de son autre main déposée doucement sur son épaule, il exerce une légère pression pour l'inciter à s'allonger, et relève les barrières de chaque côté du brancard pour prévenir toute chute éventuelle. — So you don't fall off. qu'il explique, pour ne pas causer de quiproquo. il se baisse alors rapidement, ouvre un placard proche et en ressort un plaid, qu'il vient allonger sur le corps du soigné. — Here. It can be cold in this place. Sleep a little, if you can... I'll be back in an hour.

sensation d'abandon étreins violemment l'endocarde qui pulse.
pulse. cavalcade aortique en proie à une certaine panique.
et les paroles, douces, prononcées de sa voix grave au timbre envoutant, l'apaisent un peu.
you will come back and he will stay here.
la main l'effleure, replace quelques mèches rebelles venues s'emmêler sur son front — moiteur légère. il ne peut s'empêcher d'avoir cette impression fugace — tenace — que leurs rôles pourraient, à tout moment, être inversés.
il serait alors le blessé, et lui le soignant.

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ne revient qu'une heure plus tard, fin de sa garde, changé — l'esprit pas moins léger. d'une main dont il cherche à contrôler les tremblements, il tire sur le mince rideau créant un semblant d'intimité et un véritable soulagement l'embrase lorsqu'il constate qu'Ori est toujours là. — You waited. il sourit, reconnaissant. alors, prestement, le voilà qui abaisse les barrières de sécurité dans des gestes techniques maintes fois répétés et il lui prête son bras pour appui, afin de se relever. — How do you feel ? Better ? Do you think you can go out for dinner or a drink ? d'un simple regard, il check ses constantes, s'assure qu'il a récupéré avec la transfusion, quelques maigres forces.

Le plaid déposé sur son corps tanguant au gré de vagues amères semble si lourd. Il contient le poids d'angoisses, de monstres et de fantômes que ce lieu éveille et conjure. L'abandon est cruel, d'une violence à faire s'affoler le cœur dans les premiers instants où il reste seul, vulnérable dans ce foutu lit-prison, des palpitations de douleur remontant de sa cuisse recousue et le monde ondulant dangereusement devant ses yeux.
Orion les ferme alors, inspire, avec la maladresse de ceux pétrit de stress. Ses doigts crispés finissent néanmoins par se détendre, l'un après l'autre. Et finalement, le mercenaire sombre.

S'extirpe avec la difficulté d'un noyé de son océan comateux, les lumières crues au-dessus de sa tête brûlant ses rétines déjà fragiles lorsqu'il rejoint la surface. Il cille, longuement. Touche sa jambe sous le plaid réconfortant pour en frôler les sutures. Il soupire en pinçant les lèvres.
Ce n'était donc pas un rêve.

« - As if I had a choice, you trapped me in here. » Le timbre se vernis d'un mutin adoucissant le reproche alors qu'il baisse les yeux vers Sujin, délesté de sa tenue de mort. Quelque chose dans la poitrine d'Orion semble alors s'alléger. Une grue papier tâchée d'appréhension passe par la fenêtre ouverte de son cœur aux barrières s'abaissant. Maladroitement, il se redresse, s'accroche à ce bras tendu avec une gratitude discrète mais filant à toute allure dans ses veines.
« - Dizzy. Guess it's a common thing with the stuff you gave me. » Tangue l'édifice de papier lorsqu'il touche le sol, lâche le bras salutaire pour récupérer son pantalon et l'enfiler avec la maladresse d'un môme. Ou d'un type bourré. « - I might be a little slow but as I'm starving, I'll be a big boy and manage. » Réflexe, vérifie ses poches et se redresse finalement pour se tourner vers Sujin. « - Blood Ts make me hungry everytime I... Well, I have to do one. » Et il a dû en faire, de ces foutues transfusions pour rester en vie.

« - There's an old ramen restaurant few blocks away, in the old part of the neighbourhood. The grandma owning it is antique, a japanese woman who never wanted to learn korean, she's adorable... Anyway, best ramen in town, if you feel like it. » Le simple fait d'en parler lui retourne l'estomac qui se manifeste par un grondement se plafonnant au-dessus du bruit du couloir qu'ils traversent en sens inverse du courant aux yeux multiples se posant sur eux.

L'air du dehors est une bénédiction. Une inspiration à s'en éclater les poumons pour chasser les derniers démons encore accrochés à sa jambe. Tout va mieux lorsque le ciel se pose au-dessus de sa tête et que les murs s’effondrent.

le changement est subtil, pourtant radical. l'air s'est adouci à la perspective du mouvement qui s'amorce. les cœurs, plus légers. la lourdeur étouffante liée aux lieux lugubres, souffrant d'une réputation mortifère imméritée, s'échappe et s'envole ━ vers d'autres âmes, quelque part dans ces longs couloirs.

━ you should us this for a few days. béquille tendue, pour une aide à la marche et éviter de faire sauter tous les points de suture ; il se doute, Sujin, que ce genre d'optique n'est pas favorite chez son ami ━ néanmoins nécessaire. ━ i could come at yours for the rest of care, if it's okay with you. in a week, it will be good, you won't need it anymore. recommandations modérées, il n'insiste pas plus, Sujin. n'assure que le minimum, car c'est déjà bien suffisant ━ il sait. offre son aide sans rien demander en échange, juste s'assurer du bien être de son ami.

━ i'm super hungry now !  let's go there, sounds delicious. sac à dos sur les épaules, il rajeunit de quelques années ━ n'a jamais réellement fait son âge, après tout. sitôt au-dehors, les rayons du soleil levant caressent en douceur ses joues rondes. ━ i'll get my car, wait for me. avec enthousiasme, comme si celui-ci ne se ternissait jamais chez lui, il disparaît vers le parking en courant ; pour ne pas perdre une seule minute, non. et, comme toujours alors qu'il s'éloigne de son lieu de travail, des émotions s'envolent, sa colonne vertébrale s'étend et le poids, lourd, sur ses épaules s'évanouit. torpeur d'émotions plaintives s'étiole au loin, et c'est le vide qui l'enveloppe de son aura bienfaitrice ━ répit, sursaut de vie.

au volant de sa petite voiture électrique sans prétention, il s'arrête pour récupérer son passager blessé ; pousse le siège au maximum pour qu'il puisse étendre sa jambe sans difficulté. ━ you'll have to show me the way. l'habitacle, petit mais cosy, regorge d'indices hurlant sa nouvelle vie ; du siège auto rose fluo installé à l'arrière aux bracelets colorés pendouillant autour du rétroviseur central, jusqu'aux pare solaires licornes collés sur les vitres arrières ━ tout crie papa, mas rien n'explique son histoire pour autant. il gare avec facilité la petite voiture devant le fameux restaurant dont la devanture ne paie pas de mine, content de repérer une nouvelle adresse, pas si loin du travail. pragmatisme acquis par expérience, à force de courir dans tous les sens.

La béquille est une marque de faiblesse laissant un arrière-goût amer sur la langue. Elle pince les lèvres d'une nervosité flagrante qu'il tente tant bien que mal de ravaler tout le temps du trajet, donnant les indications pour atteindre leur destination et tromper son attention. Elle dérive un instant sur l'habitable et sa décoration poussant un sourcil à se lever. Son regard à venir s'appuyer peut-être un peu trop fort sur Sujin mais Orion ne dit rien. Ce sera des questions pour les eux de plus tard.

Pour l'instant, la voiture se gare non loin du petit établissement coincé entre deux autres plus modernes. La devanture passe presque inaperçue tant elle est fatiguée. Elle respire ces coins anciens perdus au fin fond d'une rue pas très accueillante au cœur d'une vielle ville japonaise. Ils sont allés une fois, lui et Eos. C'était beau. Authentique.

La porte coulissante bardée de bois révèle un intérieur dans son jus, où seulement trois tables et presque autant de chaises s'y entassent, pratiquement collées les unes aux autres dans l'espace exiguë. Un comptoir sépare sommairement la salle de la cuisine, une petite bonne femme sèche en tablier fleurit, sa longue tresse grise coincée dans sa ceinture leur fait signe de s’asseoir. Orion la salue, en japonais. Quelque chose s'anime  sur le visage parchemin, un éclat de vie pétillant au fond des yeux délavés et la petite veille disparaît dans sa cuisine.

« - Menus are useless here, she'll find the perfect match for each of us withtout even asking us what we like. » C'est la force de cette endroit. Le pourquoi il a tenu, toutes ces années malgré la fermeture de plein d'autres adresses.
Orion s'installe, péniblement à l'une des tables, celle qu'il occupe à chaque fois qu'il vient, coincée dans un coin de salle face à la porte et qui offre la meilleure vue sur un petit morceau de cuisine. La béquille glisse entre le mur et la chaise tandis qu'il étend sa jambe sur le côté.

« - A week you said hm ? I don't really have a place of mine yet. Well, they gave me a box to crash but it's not a home. I guess it'll do anyway, if it's not a burden for you, I'll like it. You coming, for the care. » En temps normal, Orion se débrouillerait seul. S'en fiche d'avoir une cicatrice supplémentaire à son actif, elles sont déjà si nombreuses qu'il ne les remarque même plus.
Une théière de gré se dépose sur un coin de table avec deux tasses. Cuisinière et ninja, la propriétaire des lieux a le furtif en super pouvoir. Avec habitude, Orion remplit les deux tasses, en glisse une devant Sujin.

« - What was that all about. The stuff in your car. You're baby sitting or something ? »

la découverte de l'endroit le fascine. l'extirpe un instant de ses pensées abrasives, pour le faire voyager vers des terres inconnues ━ lui qui ne s'était jamais aventuré hors de sa cité mère ; à vivre les aventures au travers des émotions vagabondes, va et viens en constant renouveau. c'est la chaleur particulière de l'endroit qui s'enroule autour de lui, à la fois austère et familière ━ des résonnances curieuses de cette langue étrangère, au tintement singulier des couverts qu'on déplace d'une table à l'autre. il prend place, suit son ami en lui faisant aveuglément confiance, le cœur léger, peu inquiet. ━ wow, that's a concept. un brin admiratif dans son appréciation, et les billes rondes qui circulent, déposent des furtifs dans tous les coins et recoins retenant son attention ━ une manière comme une autre de s'approprier l'endroit, avant qu'Ori ne le fasse revenir à lui.

━ I'll come, it won't take very long. But I suppose you'd rather I took the stitches out at your place than come back to hospital, wouldn't you? le sourcil s'arque légèrement, malice s'immisce dans l'échange, en douceur. ━  it's not a trick to invite me to your place... althought... le petit rire vient clore la tirade amusée. la détente qu'offre le lieu semble magique, elle opère silencieusement ━ efficacement. appréciateur, il s'empresse de poser ses mains toujours un peu trop froides autour de la tasse remplie, et aux questions, son sourire s'accentue légèrement, avec une tendresse nouvelle ━ paternelle. ━ no, i'm not. it's my daughter's stuff, she's kinda crazy about unicorns and superhéros. lèvres asséchées qui plongent, rapidement dans l'eau encore brûlante ━ impatientes.

et lorsqu'il se redresse, c'est avec un petit air mutin posé sur son faciès. sa vie avait bien changé, en quelques années ; elle était devenue un tsunami permanent, dont les déferlantes ne cessaient jamais. ━ she's 8. name's Soo Ah. i'm sure she will like you a lot. parce que c'était ainsi désormais ━ faire partie de sa vie, c'était faire partie de la sienne ━ pas de compromis possible. ━ i'm alone, her mother left, so... i'm kinda like a single daddy now. et ça ne rendait absolument rien facile. pour beaucoup, cela était vu comme une tare. un défaut inacceptable ━ foutue société.  mais que peut-il faire bien d'autre que d'agir comme si tout cela ne l'atteignait absolument pas ?

Alors qu'il porte sa tasse à ses lèvres pour en soutirer une gorgée de thé fumante, Orion manque d'avaler de travers. Entre ses doigts, le contenant chaud vacille et laisse filer quelques gouttes du liquide sur le table, secoué par la toux un peu folle assaillant la poitrine du héro.
Grand-mère se retourne de ses fourneaux pour poser un œil au sourcil levé sur ses deux seuls clients. On pourrait presque l'entendre leur intimer le silence d'un index tendu sur lequel elle soufflerait mais n'en fait rien, sinon se remettre à la préparation des deux bols de ramens.

« - Hold on, wait... What ? » L'air mutin sur les traits de son ami ne trompent pas et Orion à bien entendu. Sourcils froncés sur une contrariété qui n'en est pas vraiment une, c'est surtout la surprise qui le froisse et le fait de constater que la vie de tous a évolué sauf la sienne.
Il a vieilli, c'est inscrit sur son visage et son corps, a changé aussi sûrement mais le reste de son existence semble être resté figé à une autre époque. Orion se froisse un instant, fait glisser la tasse sur la table toujours entre ses mains alors qu'il s'adosse à la vieille chaise en bois couinant un léger inconfort l'obligeant à aligner ses clous et son bois pour supporter le soudain changement de poids.

« - Ssi, you have a daughter. You're a dad... Eight fucking years, it's as long as my... Damn. » Ses lèvres se sont pincées avant que la vérité n'éclate. Pour retenir le nuage trop sombre qui aurait pu venir se glisser au-dessus de la table où la grand-mère vient déposer deux immenses bols fumant à l'odeur incroyablement alléchante.
Remerciée dans sa langue natale, elle disparaît derrière son comptoir comme si un portail vers un autre univers se trouvait là. Les baguettes entre ses doigts, Orion fixe un instant, franchement songeur, l'homme lui faisant face.

« - I doubt that, her liking me. I'm not the child kinda type you know. Not anymore. » Les baguettes cliquettent entre ses doigts.
« - How does it feel, being a dad ? I mean it must be... Complicated. Is she like, you know ? » Like us. L'éclat au fond des yeux noirs d'Orion souffle cette fin de question. Les rassemble, tous les deux, sous cet étendard s'agitant au vent de leur ressemblance tue jusqu'à présent.