_ BACKWARDS ( SHIYURI ).

Les minutes passent,
et je suis toujours sans toi.

Il pourrait être cette tâche au milieu de ce blanc immaculé. Celle qui vient tout gâcher. Tout salir. L’erreur. Qu’on regrette. Qu’on tente de masquer. Parce qu’elle est grossière. Parce qu’elle est de trop. Cependant, jamais on n'essayera de le recouvrir d’une couleur similaire. Non, il est là. Et on construit tout autour de lui. Autour de cette tâche, alors on en dessine un monde. Le sien. A lui et à personne d’autre. Et finalement, c’est le blanc qui devient de trop sur ce tableau façonné de sa funeste teinte.  

Ça s’assombrit,  
et je suis toujours sans toi.

Aujourd’hui, c’est pareil. Lui au milieu de ces murs blancs. Clinique. Déprimant. Et la solitude en chante ses angoisses. Et si tu ne venais finalement pas ? Les doigts se resserrent sur eux-mêmes. Non. Tu viendras. Le temps s’écoule. Ça fait tic-tac. Mais tu ne te pointes toujours pas. Et ce sont les poings qui se ferment.

“M. Han, êtes-vous frustré que quelqu’un puisse aller à l’encontre de vos demandes ? - Oui. Question suivante. “

Shinyun, désolé. Désolé. Désolé. Il se joue la scène. Multiples scénarios. Mais ça ne finit jamais bien. Trop tragique pour ce foutu monde. Trop pessimiste aussi. Et toi, tu crois à l’happy ending ? Putain faudrait être conne pour y croire, surtout quand t’as cet enfoiré de Yuri en face de toi. Misère. Non, c’est lui qui est misérable. Un bruit, et il a l’impression que c’est toi. Mais non, c’est juste qu’il devient fou de t’imaginer débarquer. Viens. Vite.

Ça devient triste,  
et je suis toujours sans toi.

Libération de cette folie. La poignée s'enclenche. Te voilà. Shiyun. “Hey.” T’es enfin là. Les traits qui tentent d’en rester détendus, alors que le corps se lève pour te faire face. “Thank you... for coming.” Et reste ici, au milieu de cet ivoire. Au milieu de cette pureté bien trop propre pour vos cœurs mutilés.  

Et même quand tu es là,
je suis toujours sans toi.

l’hésitation au bord des lèvres, à en tourner le corps en une statue de marbre. les flèches de l’horloge contrôlant les battements de son coeur alors que l’heure fatidique approchait. le coeur fuyant, l’âme attirée, tel un aimant. tempête d’émotions contraire alors que le pulsant et la raison se menaient un combat sans pitié. la concentration absente, chaque seconde passante la ramenant à toi. pourtant, rien qui ne reste à être dit ; tout avait été partagé dans ton silence hurlé — les mots jamais partagés, mais ressentis jusqu’au fond des abimes.

mais elle a promis. et elle s’est jurée de toujours tenir ses promesses, de ne pas être comme toi. conviction chancelante, alors que l’heure de la rencontre s’approche. l’appréhension des mots que tu as gardé dans ton pulsant toutes ses années, la peur de devoir te revoir à nouveau et des conséquences que cela pourrait avoir. sur son propre coeur, sur sa vie (si on pouvait appeler ça comme ça), sur un avenir qu’elle ne parvenait à imaginer — en ferais-tu aussi un vide absolu ?

elle est au rendez-vous à l’heure, mais prise dans un piège invisible à l’entrée. de la petite fenêtre, elle peut t’apercevoir. héro gravé dans le marbre, les traits semblent impassibles. mais les années à tes côtés lui ont permis d’apprendre à voir au-delà des apparences ; de tes prunelles qui dartent ici et là, de tes doigts qui peinent à tenir en place, de ces soupires discrets qui s’étouffent entre tes lèvres. nervosité qui lui semble claire comme le jour, dans un écho à son propre palpitant.

elle inspire, ferme les yeux un instant pour calmer ses paipitations. impose un masque de neutralité sur ses traits tirés par le travail incessant et la fatigue. la seconde chance à laquelle tu t’accroches, elle ne veut pas te la céder ; parce qu’il est trop tard pour vous, parce qu’il ne sert à rien de rouvrir les plaies jamais guéries et d’y retourner le couteau, encore et encore, à s’en assassiner le coeur. la porte s’ouvre, et elle te jette à peine un regard avant de s’installer sur la chaise te faisant face, choisissant la table pour faire office de mur. you didn’t leave me much of a choice. à quoi tu penses yuri, qu’est-ce que tu veux, au fond ? pourquoi t’encombrer de tous ces artifices ? le silence s’installant, pesant. toutes les émotions se manifestant en tension prête à vous broyez.