themis & waze ❀

La chaleur de Thémis éclata contre la sienne, embrasa sa peau, déclencha un raz de marrée de frissons. Une fois son cœur brisé quelques années plus tôt, son exclusivité appartenait à de tendres souvenirs, mais ce n’était pas pour autant qu’il ne s’émouvait pas de chaque contact nouveau. Une expiration chaude s’échappa de ses lèvres une fois les siennes envolées et il se sentit naturellement pousser contre le rivage de ses hanches la houle paresseuse des siennes.

« Tu es sûr que tu as envie que j’arrête de réfléchir ? » chuchota-t-il à son oreille. « Ce qui se passe sur ce bateau reste sur ce bateau, mh ? »

Son souffle accéléré par leurs mutineries tournoya sur sa peau, échauffa cette dernière et chassa les gouttes diamantines qui y restaient. Leurs frissons se confondaient, armure futile contre leurs contacts insensés. Il lui présenta sa gorge comme une proie avérée s’apaise devant le prédateur, en la confiance absolue que la (petite) mort serait donnée avec panache.  Et lorsque leurs regards se percutèrent de nouveau, il le mit en garde tout de même sur cette fougue dramatique qui suivait chacune de ses respirations depuis qu’il avait poussé la première dans ce monde de chaos :

« Alors je vais te faire rayonner si fort que les étoiles seront déboussolées de t’avoir pris pour le soleil. »

Envolée, la dernière parole raisonnable ; envolées, les conventions sociales. Il ne restait plus en lui que la verve passionnée qui le poussait à cartographier la peau offerte selon ce sens de l’orientation surhumain qui n’appartenait qu’à lui. Les virages devinrent des détours, les montées devinrent des descentes, et sans perdre le Nord il finit cette fois-ci par le délaisser, magnétisé par un Sud interdit qu’il ne souhaitait par refuser.

cw : bon ben je vous fais pas un dessin quoi
Sa langue écrivit sur le vélin de sa peau des romans oubliés qui resteraient sans conséquences – croyait-il. Puisque cette nuit n’existait pas il décrivit des mondes sans lendemain dans un langage muet que seul Themis pouvait comprendre. Et quand soudain la chaleur plus forte pulsa contre sa gorge, il délaissa la plage de sa peau embrasée pour des monts obscurs qu’il entendait bien saluer. Par-dessus la barrière des derniers vêtements qui restaient, il souffla la menace chaude des instincts torrides, ceux que l’on écoute un peu trop quand la nuit tombe, et que l’on incrimine quand derrière les plaisirs trop sages jaillissent les envies d’orage. Les vêtements volèrent, drapeaux de reddition glorieuse. Enfin, il y eut une main curieuse, enroulée autour ce corps inconnu et puis la caresse de ses lèvres sur les rivages salés d’un continent noir.

Le soleil se leva sur le rivage salé de leurs souvenirs.
Le bras de Waze se déplia quand Themis se redressa, et il lui lança un regard à la fois ensommeillé et curieux, pas convaincu que tout cela avait bien eu lieu. Le miracle de la nuit avait emporté avec lui les constellations qui avaient motivé leurs discussions, et sous leurs yeux se saignait maintenant, dans l’eau calme, une autre étoile, plus grande et plus rouge. Elle chassait de son souffle chaud leurs secrets inavouables, inavoués, qui se repliaient dans les ombres du bateau, navire de leurs fantasmes dissimulés.

Waze quitta le sol comme on quitte le pays des rêves : avec une mélancolie teintée de béatitude. Ses vêtements retrouvés virent conserver sa pudeur dans l’optique de leur retour, et il gagna, lentement, la rambarde à son tour.

Là-bas, la villa dormait, indifférente à leurs odyssées nocturnes. On les aura sans doute cherchés, on aura supposé, on aura eu raison.
Et ce n’était pas grave, car il fallait être bien stupide pour ignorer la raison pour laquelle toutes ces âmes en manque d’attention s’étaient pressées sur cette plage paradisiaque.

Waze se pencha, et ses lèvres vinrent effleurer la tempe de Themis, encore chargé de son odeur, et des parfums de leurs étreintes qui sur sa peau se mélangeaient.

« Allez » souffla-t-il. « je te ramène. »

Dans le ciel, il restait une lueur : Vénus, témoin calme et coïncidence étrange de leurs joies intimes, les regardait descendre et rejoindre un quotidien déjà trop cruel.