themis & waze ❀

« C’est gentil, merci. » chuchota Waze.

Il semblait désormais, implicitement, interdit de faire plus de bruit que les vagues qui léchaient leurs corps. Pour communiquer, leurs yeux cherchaient la lumière au creux des iris de l’autre, quand leurs lèvres ne s’épousaient pas tout simplement. Waze offrit sa nuque au héros, ses mains scupltant ses hanches pour ne pas que le courant l’emporte.

« Trop, vraiment ? » la langue de Waze passa sur la lèvre inférieure de Themis, s’imprégna une dernière fois de son parfum, comme s’il sentait que ce joli moment poétique au creux de l’eau noire allait prendre fin d’un instant à l’autre. « Je considère ça comme une victoire, vu comment tu appréhendais d’y entrer. »

Il n’avait toujours pas compris si Themis voyait dans cette eau sombre un effroi relié à un événement intime dont lui seul avait le secret, et ne se renseigna pas, de peur de briser l’harmonie de cet instant sublime, loin des autres et loin de tout.
Doucement, le bout du nez de Waze caressa celui de Themis, son front pressé contre le sien. Il avait envie de fermer les yeux et de se laisser plonger avec lui dans un rêve dont il ne se réveillerait jamais.

« Avec toi ? » chuchota-t-il contre ses lèvres, comme une berceuse.

Il tourna la tête pour désigner, à une dizaine de mètres, une ombre opaque qui dansait paisiblement sur les flots.

« Je nage bien. Si tu veux bien t’accrocher à mon cou je t’emmène sur le bateau là-bas. On tourne dedans après demain je crois, je suis assez certain qu’ils ont pas encore posé les caméras et les micros dedans. »

Il lui sourit.

« Ca te dit ? »

La rigidité que les rumeurs entendues avaient attribuée à Themis dans l’esprit de Waze s’effaça derrière un caractère soudain plus sensible et non dénué d’humour qui avait quelque chose d’indéniablement charmant. Waze déposa ses lèvres sur sa tempe, accueillant la plaisanterie d’un rire froufroutant dans ses cheveux.

« Accroche-toi dans mon dos. Je t’emmène. »

Pour quelqu’un qui contrairement à lui ne voyait pas dans la nuit, l’eau noire semblait vouloir les engloutir. Ce grand œil bleu perpétuellement ouvert et inondé de soleil en journée devenait une gueule vorace la nuit tombée dans laquelle ils n’étaient que bien peu de choses. Le yacht semblait abandonné là, comme la pointe d’une boussole indiquant un nord imaginaire et désaxé ; celui, sans doute, de leurs rêves tout juste esquissés. Waze le rejoignit de quelques brasses adaptées au poids réconfortant de la silhouette de Themis perché sur ses omoplates qui dansaient.

Il accrocha finalement la main, légèrement essoufflé, à l’échelle qui permettait de se hisser sur le pont. Il faisait nuit noire, si loin de la plage.

« Vas-y, après toi. »

Il se hissa sur le bateau à sa suite, embrassa d’un regard le bout du pont qui terminait en ogive vers l’horizon obscur, puis la cabine de pilotage coiffée d’une terrasse ombragée en hauteur dans laquelle l’équipe tournerait les plus beaux plans des héros et héroïnes en maillot de bain pour les trailers.

« Tu sais » chuchota-t-il, le souffle encore court de l’effort. « j’aurais bien envie de lever l’ancre et qu’on prenne la fuite. »

Il échappa un petit rire canaille ; son pouvoir leur permettrait de se diriger même en mer. Seul le manque de carburant les obligerait à rentrer. Et les responsabilités qui les attendait, aussi. On chercherait Themis – Waze un peu moins. Byeol, sans doute.

Waze tendit la main vers le toit-terrasse.

« Si on grimpe là-haut je pense qu’on peut regarder les étoiles tranquilles pour le reste de la nuit. Viens. » l’invita-t-il d’une caresse le long de son bras.

Après avoir admiré le bateau, endroit sur lequel il n’était pas prêt de remonter dans des circonstances quotidiennes après le tournage de l’émission, Waze suivit sur le toit un Themis qui semblait s’être découvert une passion pour la décoration des extérieurs de loisirs luxueux en refuges cozy. Il s’appuya un instant sur la barrière qui empêchait de se carapater sur le pont, guettant ce que l’on pouvait voir d’ici, au-delà de l’eau noire. La villa se dressait dans un bouquet de pollution lumineuse à quelques centaines de mètres de là, tandis que la première ville joignable depuis l’île était minuscule, tout là-bas, dans le noir.

« Qui nous en empêche ? » demanda Waze en se retournant. « C’est pas comme s’ils ne pouvaient pas nous tracer pour savoir où nous sommes, et je pense qu’ils sont bien occupés avec les autres. »

Il s’installa à côté de Themis, étendant sa silhouette massive le long de la sienne en essayant de ne pas l’écraser – ce serait bête. Au dessus d’eux, les étoiles s’étendaient, imperturbables. Il ne savait pas s’il les trouvait plus jolies d’ici parce qu’ils étaient plus loin de la lumière que tout à l’heure, ou parce qu’il était bien plus proche de Themis que tout à l’heure.

Un frisson s’enroula délicatement autour de sa poitrine quand Themis le toucha. Tout chez cet homme exhalait une telle douceur qu’il se demandait s’il n’allait pas se liquéfier à chaque fois qu’il parlait ou que son regard entrait en contact avec le sien.

« On pourrait, mais je pense qu’on finirait par manquer de vivres, et on passerait plutôt de la croisière paradisiaque au documentaire de faits divers criminel. »

Mais Waze t’es stupide ou quoi…?
Il parut se rendre compte de la noirceur de la remarque et partit dans un léger rire gêné.

« Pardon c’était tout sauf glamour ce que je viens de dire. Mais les documentaires de faits divers criminels c’est une chose positive dans ma bouche, promis. » Il pinça les lèvres, incapable de contenir sa gêne. « Je vais me taire je crois. Il semblerait que » ton regard, ta chaleur, ton corps ruisselant d’eau « ton aura me déstabilise un peu trop. »

Sa main glissa le long de son avant bras, contre sa paume. Il caressa ses phalanges du bout des siennes.

« Mais je crois, oui, que j’aimerais que ce moment avec toi s’étire. » finit-il par dire, le regard plongé dans le sien.