hi, again. ((hongdan))

Les jours se succédaient et se ressemblaient. La monotonie ambiante devenant petit à petit un poison gangrenant ses songes. Après un quart de siècle à vivre de cette façon, la lassitude semblait finalement pointer le bout de son nez. Le désir de changement s’étant enfin manifesté. Certes, il ne s’agissait que de petits pas en avant, mais les dédaigner ne ferait qu’apporter une forme de découragement. Hongdan faisait des efforts pour s’extirper de cette existence millimétrée que lui avait inculquée sa mère. Bien que cette dernière n’était plus à ses côtés, son emprise morale avait encore du pouvoir dans son esprit. Se défaire d’habitudes imposées pouvait s’avérer bien plus difficile que l’on pourrait l’envisager.
Enfin... L’héroïne s’autorisait récemment un peu plus de sortie. Même si ce n’était que de petites promenades, un café but après une matinée de travail chevronnée, plutôt que d’enchaîner directement. Aujourd’hui... La demoiselle s’était risquée à observer un peu plus autour d’elle. D’ordinaire, quand elle marchait après ses achats, ses iris restaient braqués sur ce malheur contenant cartonné qui accueillait sa boisson caféinée ou sur un point invisible devant elle. Mais cette fois, son regard balayait discrètement la populace ambiante. D’ailleurs... Ses yeux se posèrent finalement sur un individu... Sa gestuelle, ses mimiques, son attitude... Un souvenir pas si lointain vint solliciter sa mémoire. Alors qu’elle se rapprochait... La dénommée Sea faisait mine de ne pas le regarder... Après tout, se faire fixer de la sorte pouvait être embarrassé.  

Cependant... Quand il passa à côté d’elle. Ce parfum... Il y avait une consonance différente, mais le tout semblait de plus en plus clair dans sa tête. Pourtant... Ce n’était pas son visage. Il était déclaré mort. Ça ne pouvait pas être lui ! Néanmoins... Aucun corps n’a jamais été retrouvé par Athena. Restant statique quelques secondes, elle posa de nouveau les yeux sur cet inconnu aux allures similaires de cet homme qui lui avait tant appris... Cette conduite... Non, il lui était impossible de passer à côté.  
Par ailleurs... Elle attendit qu’il finisse d’aider cette dame avant de le suivre furtivement. Une fois dans un emplacement bien à l’abri des regards, elle se décida à l’interpeller. Posant sa main sur son omoplate comme elle le faisait à cette époque... Oui, cette période où elle était encore une élève.

- Gilgamesh.

Pas d’interrogation dans sa voix, pas une once de doute. La simple sensation de cette main posée sur ce dos la transportait dans son adolescence. Intérieurement... Elle espérait que son intuition était bonne, qu’il s’agissait bien de l’homme qu’elle avait tant admiré et respecté. Le contact demeurant nécessaire, elle avait besoin de ressentir le moindre signe de tension venant de ce corps... Si différent et pourtant si similaire, un paradoxe mental qui jurait de la faire se confondre en excuses et repartir. Mais l’espoir grandissant dans sa poitrine, Hongdan était en civil... Le héros l’avait connu quand elle n’était encore personne... Son expression faciale restait de marbre, mais son regard implorait qu’il soit bel et bien son mentor porté disparu.  

- Tu es vivant...

La tonalité de sa voix trahissait une bride d’émotion dans le timbre habituellement froid et calme. Dans le meilleur des cas, son instinct ne l’avait pas trompé. Dans le pire, ce pauvre monsieur allait avoir le sentiment d’avoir été abordé par une folle. Après tout... Gilgamesh était un héros qui avait disparu des radars depuis plus de dix ans...  

Le deuil demeurait jonché de diverses étapes... Il y avait tout d’abord le choc, ensuite le déni, la colère, pour certains la dépression et pour d’autres, la tristesse, la résignation, l’acceptation et enfin... La reconstruction. Du moins... Toute cette procédure avait quelque chose d’étrange. Comment y parvenir quand l’on ne peut pas voir l’individu disparu ? En ce qui concernait la jeune femme, sa période de deuil s’était arrêté après le déni, la résignation étant venue juste après sans que l’acceptation complète ne pointe le bout de son nez. Ainsi... Voir un tel individu qui paraissait si similaire sans pour autant que la ressemblance ne soit véritable. Elle était troublée, perplexe et surtout emplie d’un espoir de retrouver cet homme qui fut certainement le seul en qui elle avait éprouvé une forte admiration. Même sa propre mère n’avait pas eu le droit à ce traitement.

La réaction eut une saveur des plus classiques. La surprise puis le refus. Cependant... Il annonçait ne pas connaître le dénommé “Gilgamesh”... Cela pourrait être vrai, s’il était un individu qui ne suivait pas la sphère héroïque. Par ailleurs... Une remarque la titillait... “Je peux vous prévenir la prochaine fois que l’on se croise.” Un individu normal aurait certainement dit qu’il était désolé ou qu’il ne pouvait rien pour elle. Mais lui... Il évoquait la possibilité de se revoir, cela sous-entendait qu’il l’avait déjà observé ou remarqué ? C’était étrange. Très étrange. Ainsi, alors qu’il s’apprêtait à repartir, elle lui prit le poignet pour le stopper.  

- Dis-moi juste que tu as survécu, s’il te plaît.

Insister ne faisait pas partie de ses défauts... S’il s’agissait bien de son mentor, il devait pertinemment le savoir. De ce fait... Il devait également se rendre compte de l’importance de ses paroles. Un léger soupir franchissait la barrière de ses lèvres, le désir de le prendre dans ses bras était présent. La retenue lui indiquait de ne pas le faire, le respect également... Mais pendant quelques secondes, elle put percevoir cette même lueur familière dans ce regard qui n’avait rien d’étranger.  
Finalement, ses bras entourèrent ce cou alors qu’elle se mettait sur la pointe des pieds. Un tremblement à peine perceptible au bout de ses phalanges alors qu’elle humait discrètement ce parfum qui l’avait accompagné pendant sa formation. L'héroïne n'a jamais été très bavarde ou douée pour s'exprimer verbalement, mais elle a toujours démontré ce qu'elle ressentait par ses gestes. Le pauvre avait sûrement subi son côté tactile, mais cela devait également lui rappeler des souvenirs... Elle murmurait doucement.

- Sois honnête... J’ai besoin de la vérité.

Davantage proche d’une supplique plutôt qu’une demande. Ses bras serraient cette carrure masculine qui semblait ne pas avoir tant changé également... Peut être plus légère et moins musclée qu’à l’époque où il était en activité... En somme, elle ne craignait pas d’être repoussée. Préférant même passer pour folle plutôt que de passer à côté de retrouvailles significatives. Elle ajouta en ultime parole comme pour le conforter de lui avouer sa survie.

- Tu es mort officiellement. Tu le resteras.

Concise, comme toujours et surtout très franche. Il n’avait qu’un geste à faire... S’il la repoussait vigoureusement en l’insultant, elle se résignerait... Mais son coeur lui continuerait de pâtir du doute... Elle sentait ce dernier tambouriner sa poitrine, son propre calme commençant à s’étioler... La pointe de ses doigts commençant à faire cristalliser de fines perles salines, elle devait respirer... Hongdan ne pouvait pas craquer ni flancher face à ce sentiment d’inquiétude ou de peur. C’était donc ça... La sensation d’impuissance. Un goût à la fois amer et acide...