alibi ⸻ rafael

Proie facile.

Gamine arborant l’uniforme ; lycéenne à s’égarer dans les quartiers les plus malfamés de la vie – traits naïfs, à ne visiblement pas savoir ce qui l’attend. Elle vient de terminer sa journée, après l’école, les cours avec Athena, les entraînements de patinage artistique, la journée était déjà bien avancée et le soleil, lui, est déjà couché.

Yua, elle ne semble pas effrayée ; elle n’a pas un regard pour ses alentours, si ce n’est la route qui se trace devant elle, l’amenant lentement et sûrement à son dortoir. La jeune femme ne parait pas perturbée non plus quand un groupe d’hommes vient l’encadrer, presque de nulle part et se met à l’importuner, à presque l’enfermer au milieu du groupe pour ne pas qu’elle s’échappe – Yua, elle les voit arriver gros comme une maison, essaye de ne pas se retrouver coincée au milieu du groupe.

— Partez, demande-t-elle poliment et fermement. Je n’ai pas envie de parler avec vous. Je veux rentrer chez moi.

Les gamins, ça les fait ricaner ; ils ne la prennent pas au sérieux. Pourtant, son regard ne ment pas, mais eux, ne savent pas qu’elle a déjà vécu l’enfer – et que des voyous de seconde zone tels qu’eux ne l’impressionnent pas le moins du monde ; quand Yua a déjà vu le sang et le désespoir dans les yeux de ses compagnons d’infortune.

Ils tentent de la toucher de temps en temps, et elle doit frapper leur bras pour dévier leur trajectoire, à devoir répéter de ne pas la toucher alors qu’elle essaye encore de poursuivre son chemin. Yua est censée se comporter comme une héroïne, mais à ce moment précis, il est plus facile de retomber dans ses travers.

À en faire apparaître un cube ; à vouloir leur montrer qu’elle n’est pas vulnérable alors qu’ils se montrent de plus en plus menaçants. Elle pourrait bien faire disparaître un bras ou une jambe à l’un d’entre eux, ça leur servirait de leçon. Yua l’a déjà fait maintes fois ; une fois de plus ne changerait pas grand-chose.

Proie à s’en faire prédateur.

En tout cas, elle était bien partie pour, quand elle se rend compte que quelqu’un les regarde au loin. Son regard croise alors le tien, presque surprise ; et c’est la seule émotion qui s’échappera de ses traits.

Les cubes disparaissent.
Elle aimerait éviter d’avoir à nouveau des soucis avec la justice coréenne.

Alors à la place, elle décide d’utiliser son sac de cours comme projectile ; presque à l’instar d’une grand-mère – mais après tout, les cahiers d’école, ça fait mal, n’hésite pas à donner un coup de pied dès que l’occasion se présente, puis un coup de genou bien placé.

autant que tu le souhaites,
tu n'as pas changé.

ce nouveau nom, ce nouveau métier, ça ne changeait rien. ton retour sur cette terre voulait tout dire, tout montrait, et bien que tu n'agissais plus comme lui, tu n'avais pas changé, le moindre du monde. un corps dans la trentaine, une habitude à l'ombre et au néant, mais il était toujours là au fond : celui qui veut protéger ceux qui n'ont rien demandé à ce monde, ceux qui ne méritent pas souffrance et peur. c'était devenu une de tes habitudes, de venir te balader dans les rues durant la nuitée de cette ville, sans objectif précis, sans envie particulière. parfois tu trouvais un futur client à aider, d'autres fois des têtes que tu aurais préféré oublier, ou même le plus souvent des purs inconnus, mais aujourd'hui, les rues semblaient calmes, bien trop calme pour cette heure. personne ne frôlait les murs comme à leur habitude, et même alors que le silence régnait, doux son pouvait se faire entendre : une voix jeune, douce et pourtant absolument pas faible.

main dans les poches, le chirurgien s'était approché de ces sons, venant à en observer de loin leur provenance : un groupe de gamins, et au milieu d'eux — une jeune femme. fille même. jeune au point de porter un uniforme de lycée. tel uniforme n'avait rien à faire dans ces rues, et rafael le savait bien. il le voulait, agir. mais cette jeune lycéenne, aussi frêle qu'elle semble être, ne semblait pas sans mordant et surtout, sans défense. elle avait cette chose, ce cube, disparaissant dans ses mains dès que leurs regards se sont croisés. il n'avait pas besoin de plus, il savait qu'il devait agir, non pas pour la protéger elle de ces jeunes idiots, ni même pour les protéger eux, mais pour éviter qu'un accident puisse se produire. sans se presser, ni même paraître inquiet, l'homme s'approcha, frappant dans ses mains comme pour applaudir la scène. « le spectacle est fini, tout le monde s'éloigne. et par tout le monde je veux bien dire vous. » il n'était pas un homme imposant de taille, il n'en avait pas besoin. charisme et aura suffisait, ainsi que le fait qu'il ait été vu dans ces rues plus d'une fois, sang sur les vêtements.

était-ce un piège ?
est-ce qu'une personne avait envoyé une enfant pour l'attirer ?

il ne le pensait pas, mais elle pensait différemment. après tout, aucun enfant ne devrait être proche de lui, lui qui n'avait le droit à paix, à amour, à famille. ah s'il l'écoutait chaque jour, il n'existerait plus aujourd'hui. yeux fixés sur la jeune lycéenne, bien que les jeunes hommes n'étaient pas encore hors de la rue, sourire vint se placer sur ses lèvres, franc, simple, bienveillant. « je suis sûr que tu es capable de beaucoup de choses avec tout ça. il serait dommage que ton uniforme soit tâché de sang cependant. » donner des pouvoirs à des enfants, des pouvoirs capables de blesser, s'il pouvait contrôler ce monde, il trouverait le moyen de faire que ceci soit impossible. pour le moment, il n'était qu'humain, aussi étrange qu'il soit. tout ce qu'il pouvait faire était de veiller sur eux.

« je ne vais rien te faire. tu peux te relaxer. »