At the dawn of memories | feat Sujin

Maladresse qui s'étale sur sa chemise alors que le corps tente de s'éloigner en arrière pour limiter les dégâts mais déjà la tâche s'étire sur la chemise immaculée. Il n'a pas le temps de réagir, Jae In, que les mains viennent s'imposer, éponger ce qu'elles peuvent sans se rendre compte de la limite dépassée. Contact imprévu qu'il évite en tant normal. A l'en surprendre, faire battre plus fort le myocarde contre ses côtes, déjà bien gonflé des émotions retenues. Pourtant, c'est cette étrange impression de mieux respirer alors que la proximité est bien présente, qui l'agite, fait entourer ses doigts autour des poignets pour les éloigner. Ça aurait dû être l'inverse. Bousculé. Les mots sortent sans trembler alors qu'au fond de ses prunelles, danse l'agitation.

Il trouve refuge dans les toilettes du Starbucks - heureusement vides - et ne laisse retomber la pression qu'à peine la porte fermée derrière lui, paumes contre le revêtement froid du lavabo, tête baissée. Le soupire s'allonge jusqu'à ce qu'il manque d'air,  malmenant ses poumons. Contrôle qu'il perd sur ses émotions bien trop violentes, à ne pas savoir comment les contenir derrière les barrières qu'il a mis tant de temps à ériger. Il ne s'était pas senti aussi fébrile depuis la mort de son frère. Sept ans. Sept trop longues années.

Les obsidiennes se perdent un instant sur le reflet que lui renvoie le miroir, silencieux jugement, pour ne plus s'y attarder par la suite. Chemise retirée aussitôt mise sous l'eau pour tenter de retirer la tâche évidente de café. Il se soucie peu de son accoutrement, torse nue, dans un endroit ou n'importe qui pourrait rentrer et le voir. Et ça ne manque pas, sous la silhouette de celui qui aurait pu fuir la fragilité de l’instant. Pourtant bien là, regard écarquillé, gêne masquée derrière ses mains alors qu'elle s'immisce lentement dans l'esprit de l'enquêteur. Gorge raclée, dos qui se tourne sous prétexte de faire sécher sa chemise au sèche-main. Opportunité à rendre aveugle le malaise naissant sur ses traits.

it's nothing serious, really. It can happen… La voix qui s'élève au-dessus de la soufflerie sans être certain d'être entendu et quand elle se tait, la carcasse se retourne pour faire face, à vouloir répéter pour dédramatiser la situation. it's… phrase morte à peine entamée face à l'image qui se dessine devant ses yeux, abîme la poitrine. Les vagues menacent de s'abattre sur les joues du jeune homme à la sensibilité marquée - marquante -. Pain ? You ? Pensée qui ne l'a même pas effleuré et il ne sait pourquoi ça le touche à ce point de voir cet être si opposé à lui se décomposer sous ses yeux. Un pas. Deux. Encore un autre. Jusqu'à sentir sa présence tout près. Trop près. Ce sont ses mains qui viennent chercher le contact cette fois-ci. Consciemment. A presser ses paumes autour de ses bras dans une étreinte que le reste du corps ne peut offrir. Peut-il se rendre compte du geste inédit qu'il lui offre ? Qui vaut autant que l'étreinte d'un autre ? No, you aren't pain, Sujin. Son regard cherche le sien au travers du voile humide. I understand why my brother liked you so much. Jae In capable de lire son affection à travers des photos retrouvées, sur des sourires si longtemps observées. You have a good heart.

elles sont plus nombreuses qu'il n'osera jamais l'avouer, ces pertes de contrôle. lorsqu'on aspire par mégarde les émotions des autres, qu'on se fait vortex et puits sans fond de toutes ces vives sensations en pagaille — il n'est pas si rare de se perdre, quelque part, là, au fond de cet océan de douleur aux déferlantes infinies. et dans les remous de l'inépuisable, lui se distille, fragment de coquillage emporté par les tourbillons, en proie à l'agonie — érosion. mais, pourtant bien enfouie, la crainte d'être dévorée surgit par moment, au coeur de ses prunelles fragiles desquelles perlent silencieusement des larmes hyalines. il implore. supplications muettes en provenance du coeur, élans brutaux qui tambourinent dans la poitrine, l'obligent à sortir de sa zone de confort pour oser. oser demander. est il une si grande douleur ? le passé ravivé dans ses grands yeux troubles cause-t-il tous ces tourments qu'il ressent chez l'inspecteur, qui n'est plus de marbre. fissure au milieu du visage impassible, et son avancée qui s'effectue au ralenti ; comme chacun de ces gestes semble marqué par le temps, chronos lui-même s'arrête un instant — frémissements. à la manière des ailes d'un papillon qui froissent le vent, en douceur les paumes s'imposent sur ses épaules pour l'envelopper, le cajoler, le marquer d'une grâce précieuse — chérissable.

mais avoir un bon coeur n'évite pas les malheurs — ah si seulement ! la pesanteur l'écrase un peu, ses épaules retombent, jusqu'alors en tension. il hoche la tête, doucement, comme pour accepter le sort qui est le sien — le don qui lui a été donné, de ressentir plus fort quitte à se briser. les yeux papillonnent un instant, pour chasser les larmes vilaines ; et alors se pose le regard sur ce torse mis à nu, offert à l'oeil pécheur qui ne peut se lasser d'une telle vue ! les joues se teintent de rose, le sourire revient et ses mains remontent vers les bras chaleureux, pour les serrer doucement. — Thank you... you have a good one too. sinon, il n'aurait pas éprouvé autant de compassion pour lui. sinon, il ne l'aurait pas réconforté, pas offert cette étreinte dont la subtilité a fait bien plus que simplement le rassurer. — I don't want you to catch a cold. I'm off to the hospital so... I don't really need it anymore. il s'écarte et enlève son sweat pour le lui tendre, se découvrant en simple t-shirt. — it may be a little small, but that's better than nothing. you'll give it back to me one day. there's no hurry. you've got my number. un petit clin d'oeil, pour effacer tout l'embarras de la situation. l'attaché case qu'il lui donne, et puis il s'éloigne. un pas, un autre... avant de disparaître derrière la porte — le coeur curieusement plus léger, presque soulagé.