do not touch | taesu

Quelque part en Europe, Jinsol ne sait plus où et s’en fout pas mal, un monsieur est décédé. Un excentrique salement riche, un pedigree lugubre— un profil tout droit sorti d’un mauvais film d’horreur si on veut son avis. Une antiquité peu proche de ses enfants, une vieille chose poussiéreuse et oubliée dans un grenier, un dernier souffle et bon débarras. La fin d’une histoire, The End. Du collectionneur il ne reste que ses trésors. Ses horribles joyaux, précieux et loin de tout, férocement gardés dans une pièce verrouillée à double tours. Un cabinet des curiosités. Apparemment, il y aurait même une momie. Monsieur était féru d’Histoire de l’Anatomie, le tout saupoudré d’une passion pour les Arts Occultes. Curieux personnage, étrange monstre. Son fils a tout vendu.

L’idée lui est venue dans un songe. Une petite chose ignoble, balayé d’un revers de sa main éternellement gantée, il y a huit matin de cela. Un rêve amusant, palpitant, rediffusion tordue de Une Nuit au Musée, ou du moins de l’image qu’il se fait du film qu’il n’a jamais vu de sa vie — après tout il était du genre à sombrer dès le générique du début. Bref. Rien de particulier. Un banal tour de son cerveau endormi, ancré entre deux de ses neurones endolories. Puis viennent les racines, vices choses, creusant sillons sur sillons dans le tendre de sa matière grise, nourries d’ennui et d’une aversion mortelle à ce mal humain. Bien sûr, Jinsol s’occupait toujours (le travail, les traques aléatoires, les traques moins aléatoires, les achats compulsifs, le charme, l’alcool, la lecture encore et encore et encore), mais le nuisible n’est jamais vraiment rassasié, trou noir dans l’estomac, à la recherche de quoi combler un vide sans fond, avide de tout — Jinsol pourrait manger l’univers d’une bouchée qu’il en demanderait encore.

Bien sûr qu’il avait lu des choses anciennes : une arme à feu datant de la guerre, un peigne d’arrière-arrière grand-mère, une point de flèche du temps des Empereurs — de quoi le faire vomir et convulser sur le carrelage froid de son appartement. Passionnant, fascinant, pas assez. Un musée. Étonnamment, jamais il n’avait lu dans un musée. Raison simple : publique, surveillé, bondé, plein du si tentateur impératif DO NOT TOUCH. Un risque qui n’en vaut pas vraiment la chandelle, rester planter à tripoter une statuette tout ça pour tout juste voir des passants et des passants avant de se faire virer ? Nul.

Il n’a fallu que d’un rêve pour qu’il change d’avis. Un rêve et une exposition qui en soi ne
l'intéressent pas tellement, hélas s’introduire dans le Musée National était hors de sa portée pour l’instant et emporter un souvenir d’une toute petite galerie indépendante et obscure restait son option la plus sage. Demain, l’exposition s’envole pour une salle nippone avant de quitter le continent, la nouvelle est tombée sur sa page Naver il n’y a pas moins d’une dizaine d’heures. Il n’avait pas vraiment prévu de cambrioler un scalpel ou un doigt momifié ce soir mais hey, n’était-ce pas une occasion servie sur un plat doré ? De quoi calmer ses pulsions, avant qu’il se retrouve dans les couloirs du Louvre sur un coup de tête.

Deux heures du matin. Quinze minutes après avoir envoyé sa localisation à son cher et tendre, message sans explication ni salutation, comme il y en a eu des centaines au part avant. Taesu viendra de toutes les manières. Chambre d’hôtel, cimetière, chalet en montagne, parc familial, fin fond des Enfers, au bord des plages de Miami, ça n’avait pas d’importance. Une autre impulsion, juste comme ça, une envie de revoir son ex au milieu de son élément — c'est-à-dire parmi des bocaux plein d'organes et autres trucs dégueulasses. Un rendez-vous comme un autre.

Tw : mort, cadavre, sang, ventriloquie, violence.

L’abolition des ricanements, les serments sont idolâtrés. Le cygne s’émerveille, une danse endiablée est façonnée dans ces locaux souillés par l’elixir vital. L’art des éclaboussures, un genre artistique dont l’amour s’entiche de sa teinte pourpre. Les plumes épousent l’encre de chine, le scalpel succombe sous le mouvement de poignet. La passion profane son doux facial de poupin. L’écho des sérénades, la jouvencelle animée par la créativité de son bienfaiteur exprime ses meilleures vocalises. Un solfège infantile contrastant avec la curiosité malsaine de la blouse immaculée. Le névrosé choie la tragédie sous les sanglots fantasmés de ses propres orbes oculaires. Cette connaissance lui octroie un sublime cadeau, une offrande de qualité, la splendeur de sa propre essence. Le message lubrique subjectivement échangé par une rencontre plus scientifique.

De cette expérimentation embellis par les sentiments du médecin, les deux amants avaient partagés une nuit. Celle du confort d’un cercueil. Les louanges mortuaires sublimaient cette nouvelle marque d’amour, la morsure de la connaissance ainsi que le dévouement de son âme. Subitement, une sonorité fit cesser le chef d’orchestre comme la symphonie de la poupée à la voix fluette. Bien que le profanateur ignorait cet impudent bruit, la dulcinée accordait toute sa concentration.

- Tu as reçu un message !! Tu as reçu un message !! »

« Qui est-ce ? Je suis occupé. »

- Espèce de trou du cul, comment puis-je le savoir ? Je peux pas bouger sans ta main dans mon fion !! »

« Et qu’est-ce que tu aimes ça, mon doigté… »

- Rhooo cesses… pas devant le public…. »

Un soufflement de rire s’échappait de ses charnues en référence à ce corps inerte. Ses dextres cessaient cette attention pour son partenaire, ôtant le plastique qui maquillait la longitude de ses fibres osseuses. Le cellulaire fut cueillis pour visualiser la tête de dévergondé de son ex. Le haussement de la commissure, une douce voix féminine chuchotait dans la psyché du garçonnet, son plaisir de le revoir.

- Tu vas encore lui faire plaisir… »

« Ne sois pas jalouse. »

La luminosité s’estompait sous le rideau du nouvel acte.

La senteur de l’humidité, la rosée de la nuitée enivre les esprits les plus échauffés. La fragrance d’un parfum reconnaissable sur ses fibres capillaires. Un enlacement sous la pluie glacée de la douche, l’effronté voguait à travers les ruelles sombres de la ville. La temporalité irritait l’impatience de son interlocuteur. Quelques pas furent illustrés dès lors que leurs prunelles se croisaient. La longitude se noyait dans le cuir chevelu de l’être aimé et tant détesté. Un mouvement brutal en arrière, leurs lippes se retrouvaient en un effleurement.

« J’étais très occupé, j’espère que tu ne me déranges pas pour des lubies sans intérêts. Sinon, je vais devoir te punir à ma façon, mon mignon. »