bad animal (rina)

message envoyé avec regret alors qu’il se présente devant la porte de l’appartement de rina. cela devait être leur soir, à harim et lui. yeon l’avait attendu depuis des jours, le cœur frénétique à l’idée de ce qui semblait, peut-être, ressembler à un date. seulement, c’est la femme et non le mari qu’il retrouvera finalement ce soir. rina l’avait contacté minutes seulement auparavant, comme si elle avait deviné leurs petites manigances et lui refusait ce petit bout de bonheur dérobé. elle avait besoin de lui, urgent avait-elle assuré, en lui faisant comprendre que cela était en relation avec leurs activités.

alors il avait dû s’excuser envers harim et l’informer qu’il ne viendra pas, conscient déjà que l’homme lui en voudra pour des semaines, mais il n’avait pas eu le choix. son portable finit par retrouver la poche intérieure de sa veste avant qu’il ne sonne et attende patiemment l’arrivée de son aînée.

la porte s’ouvre et ses lèvres esquissent un sourire poli. « j’ai fait aussi vite que possible. »

Appartement de Rina

« Ah te voilà. »

Ni bonjour, ni merde, comme d’habitude. Il était incroyable de constater que plus l’on connaissait quelqu’un, plus on oubliait les politesses d’usage en sa compagnie, à l’instar des conversations par messagerie instantanée qui devenaient des longues suites de texte infinies. Plus de chapitres, plus d’actes : un long flux qu’on avalait au sein d’une époque troublée ou rien ne savait ralentir.

« Navrée de te faire venir si tard et de te prévenir au dernier moment » Elle referma la porte derrière lui. « mais j’ai eu une notification d’Han Yoon, et tu sais comment il est, on ne peut pas le faire attendre, sinon il demande à quelqu’un d’autre et en profite pour nous pourrir au passage. On ne peut pas se permettre de faire une nouvelle erreur. On a cinq heures, pas une minute de plus. Je compte vraiment sur toi, je ne peux pas faire confiance à quelqu’un d’autre. »

Navrée de rien du tout, la vieille sorcière qui avait bien saisi la manière dont l’ambiance tournait au cabinet – c’est à dire pas en sa faveur – avait décidé de prendre les choses en main. Cela avait peut-être à voir avec la manière dont elle s’était présentée devant lui, le corps simplement vêtu d’une robe de chambre soyeuse comme si elle avait elle-même été surprise au moment de son coucher par leur important client.

« Excuse-moi j’en oublie toute les politesses. Tu as dîné ? Tu veux boire quelque chose ? »

Elle se retourna, les pans de l’onéreux tissu voletant autour de ses chevilles.
Ce n’était pas peut-être.
C’était sûr.

luxe osententatoire dans lequel ils vivaient, yeon ne pouvait s’empêcher de sentir tout le gouffre entre rina, harim et lui, à chaque fois qu’il se rendait chez l’un ou l’autre.
il avait beau pouvoir se mettre à présent plus que tout ce dont il avait pu rêver plus jeune, eux existait dans un univers éloigné du sien. malgré lui, il se retrouve discrètement à observer l’appartement une fois à l’intérieur, toujours aussi subjugué, même si c’était loin d’être la première fois qu’il s’y rendait.

« c’est pas grave, je comprends. » et il n’avait pas le choix, surtout. comme un chien docile, il devait rappliquer dès que sa présence était demandée. et surtout, les mots de rina avait tendance à le mouvoir malgré lui ; cette confiance qu’elle avait en lui, la manière dont elle tournait ses paroles et lui faisait comprendre qu’il était important – quand il n’avait jamais compté pour qui que ce soit auparavant. si yeon avait pensé ses sentiments pour la femme révolus depuis bien longtemps, son attirance reste indéniable, encore plus en la voyant ainsi vêtue, comme si elle ne s’attendait pas à tout cela.

« je n’ai rien mangé. » qu’il répond malgré lui, conscient que la faim le détournera du travail s’il devait rester des heures. il était censé dîner avec harim et n’avait rien réussi à avaler de toute la journée tant il avait été nerveux à l’idée de retrouver l’homme dans un cadre plus intime. a présent tout volait en éclats. « tu as du whisky ? »

et il baisse le regard, après la réalisation qu’il la regardait bien trop fixement.

Appartement de Rina

Le regard fixe de Yeon baumait son coeur d’une chaleur à laquelle elle ne pensait pas être encore sensible. Il y avait dans ses beaux yeux une jeunesse florissante nappée d’une naïveté énergique dont elle aimait se repaître. Souvent, elle pensait à Yeon, dans des circonstances aussi diverses que surréalistes. Elle se rappelait quelques moments passés ensemble dans le calme feutré de son bureau, dans une atmosphère électrique chargée d’une rare intelligence – puis elle se souvenait que son imbécile de futur ex-mari grignotait un peu plus chaque jour de son temps avec le jeune homme, et tout de suite elle avait envie de foutre le feu au monde.

« Du whisky ? » demanda-t-elle. « Tout de suite ? Eh bien. Je t’en prie, installe-toi. Irlandais ou écossais ? »

Elle le guida à sa suite dans le splendide espace de réception du grand appartement dont elle n’avait clairement pas besoin de tous les volumes, éclairé par une lumière tamisée qui faisait ressortir des couleurs aussi improbables qu’elle prouvait qu’elle avait les moyens de s’offrir ces teintes rares. Rina n’avait jamais cherché à passer inaperçu, bien au contraire. Et si elle invitait si peu de monde chez elle, c’était parce que chaque personne qui passait cette porte et posait son cul privilégié sur ce sofa à plusieurs millions de wons témoignait du traitement de faveur qui lui était accordé.

« Je suis vraiment navrée, j’espère que je ne mets pas en l’air les plans de ta soirée. » revint-elle quelques minutes plus tard avec un plateau garni de deux verres de whisky et une farandole de mignardises. « Mon chef cuisinier personnel m’a cuisiné tout cela en vitesse quand il a su que je ne dormirai pas de la nuit pour bosser sur ce contrat. Sers-toi. Je suis bête j’en oublie les bonnes manières, comment vas-tu ? »

Elle l’assaillait volontairement de questions, le ballotant dans les flots noirs d’une conversation dont elle devait garder le contrôle, constamment.