1, 2, 3 : soleil ! || anya

En tailleur dans son grand fauteuil de psychologue, Kim écoutait patiemment son patient 4789, un détenu d’une puissance absolue qui lisait dans les pensées, et dont on bridait le pouvoir 99 % du temps : les seules exceptions étaient ses séances de consultation avec elle, où elle le laissait se libérer l’esprit. Cela lui demandait une concentration terrible étant donné que sa tête pouvait être fouillée de fond en comble  par le prisonnier – ce dernier avait forcé dans les premières séances avant de se lasser, et de lâcher prise. Peu à peu, ils avaient noué une relation de moins en moins conflictuelle, afin que les séances soient moins désagréables.
Le rapprochement inéluctable de la libération de son patient y était évidemment pour quelque chose.

La logohrrée de 4789 fut soudain interrompue par un choc colossal dans le couloir et une vibration dans les murs qui fit sursauter la jeune femme de panique. Pour que les murs en tremblent, c’était que le conflit devait être musclé.

« Excusez-moi 4789, je vais voir ce qu’il en est. Nous reprenons à notre prochaine séance, d’accord ? Portez-vous bien, et pensez à ce que nous avons dit. »

Elle sortit de la pièce, retrouva un gardien à qui elle confia la surveillance de son patient, et remonta le couloir d’où provenaient des bruits de lutte. Lorsqu’elle tourna à l’angle, une ombre noire passa devant elle tandis qu’une silhouette était projetée contre le mur opposée. Le coeur de Kim s’accéléra. L’adrénaline grimpa dans ses membres et son instinct de survie s’enroula autour de ses avant bras, agitant sous ses gants renforcés ses phalanges léthales d’un fourmillement mauvais.

« Ne le laissez pas éteindre les lumières, il se cache dans les ombres ! » cria un héros qui le poursuivait.

Kim recula pour retirer ses gants avec un grognement de frustration. Les captures de villains s’étaient multipliées ces derniers temps – ce qui était une bonne chose – et avec elles, la rébellion de ces nouvelles proies une fois qu’elles arrivaient dans le centre dont elles pensaient pouvoir s’échapper – ce qui faisait du grabuge.
Les néons implosèrent dans le couloir, plongeant Kim dans l’ombre. Elle activa ses mods dans la seconde, cherchant la silhouette à travers les murs. L’obscurité rendait la tâche profondément compliquée, et les vibrations du sol et des murs dans l’agitation paralysaient ses mouvements. Putain de sens de reptiles… !

Une lampe de chasse surpuissante plongea le couloir dans la blancheur immaculée de sa lumière au moment où Kim sentait un corps chaud se matérialiser derrière elle et lui faire une clé de bras autour du cou. L’affolement se répandit dans les membres de l’héroïne qui sentit le souffle lui manquer. Elle tenta de relever les bras pour planter ses griffes dans le corps de la cible, sans succès.
Ah tiens, un mod d’immobilisation illégal MAIS MERVEILLEUX. Elle avait pas signé pour jouer à 1 2 3 soleil !

Bon sang, ne pouvait-on pas tous les tuer tout de suite ?!

et six pieds sous terre ils se terrent,
à s'en oublier dans les méandres de l'ignorance.

des ténèbres ils errent, menottés jusqu'au cou, surveiller par chaque recoin. un geste de travers et le corps adverse s'écrase contre le sol, joue applatie, bras dans le dos à n'en plus pouvoir bouger. arrière scène qui se peint dans l'ombre des médias. façade édulcorée qui attire et maquille les entrailes de la tour d'argent. s'enferment derrière les portes closes les secrets des mieux gardés au point qu'on en oubliait d'en poser les bons mots. et les murmures se font dans les ombres, perdurent les dos tournés, mais la réalité demeure pourtant masquée aux yeux de tous. douce réalité idyllique qui enlace les coeurs à la surface quand mille lieux sous les terres les cris s'effondrent contre les murs et les pièces fermées.

et dans les cellules demeurent ceux qui ont perdu la foi. ceux qui ont tournés le dos à la lumière pour rejoindre l'obscurité. à se retrouver de l'autre côté des armes, pris en joue quand l'occasion se présente. c'est leurs noms qui alimentent les listes que certains désirent anéantir.
elle désirait les voir tous enfermer six pieds sous terre.
là où rien ne viendrait les aider
et où leurs existences viendraient à s'oublier.

— comment ça il n'est plus là ? regard de braise qui viendrait enflammer l'épiderme du jeune homme face à elle. nouvelle recrue qui venait de rejoindre les rangs des syndicate. — incapable. d'un mouvement à l'en faire valser hors de son chemin. les pas se pressent à travers les couloirs à en suivre le chaos que l'être laissait sur son passage.

âme emplie de désespoir par les voies sans issus qui demeurent son seul échappatoire, si un il y avait. et dans le noir les sens s'élèvent, détectent la présence de chacun autour d'elle alors qu'elle s'avance, poings serrés, adrénaline pulsant son myocarde à tout rompre. c'est au détour d'un virage, nouvelle aile qu'elle rejoint, que l'être malveillant est détecté. un otage dans sa poigne dans l'espoir d'échapper à ce qui reste pourtant inévitable. mais c'est lui qui finissait immobiliser sous la poigne cauchemardesque d'Anya. car c'est dans sa poigne que naissent les mauvais rêves à en éveiller les pires souvenirs d'autrui. dans un geste maîtrisé, elle en séparait les deux individus, plaquant au sol celui dont le regard était vide, capturé dans ses propres cauchemars dans une simulation bien trop réelle pour en déceler le faux.
— vous êtes si incapable que ça ? pourquoi il n'était pas déjà maîtrisé ? vous attendiez quoi ? qu'il fasse des victimes ? qu'il s'échappe peut-être ? c'est vrai que comme ça votre boulot est moins chiant. qu'elle pestait contre les gardes, bras ballants. atténuant son pouvoir au risque d'en être victime, elle laissait le prisonnier bloqué par la peur au sol, menottés. — et vous attendez quoi pour le récupérer ? je vais pas faire tout votre boulot non plus, allez on se bouge là ! chaos terminé, prisonnier maîtrisé qui se faisait à nouveau transporté ailleurs. — quelle bande d'incapable. qu'elle terminait en un souffle, le regard observant les agents s'éloignés la poigne sur le prisonnier. et elle tournait le dos à la victime de ce chaos, préférant faire tarder son regard sur les silhouettes désormais plus lointaine.

C’était étrange de déguster sa propre médecine. De regarder les choses évoluer en face de soi sans pouvoir rien faire. De sentir cette lumière vous éclater les yeux sans pouvoir fermer les paupières. Kim sentit ses yeux se remplir de larmes pour se protéger, ses rétines se fissurer, son coeur chercher désespérément à pomper, et ses poumons tenter de se gonfler pour la maintenir en vie. Sa vue se dentella de noir, et alors qu’elle commençait stupidement à faire ses prières, une nouvelle ombre se matérialisa à ses côtés, le charme se rompit, et elle tomba à genoux sur le sol. Avec l’inspiration d’une noyée, elle reprit sa respiration et ferma les yeux pour se protéger de la lumière aveuglante du projecteur. Putain de mods illégaux de merde trafiqués jusqu’à la moelle. Les mains sur la gorge, elle chercha de l’air dans une série d’inspiration rauque pendant que le sang battait à ses tempes et que sa sauveuse gueulait sur les gardiens incapables.

« Eteignez ces foutues lumières. » gronda-t-elle, courbée vers le sol.

Le villain maîtrisé disparu, aux prises avec les gardiens et ses propres cauchemars, et le monde tourna au rythme irréguliers de pas qui passaient à ses côtés et s’éloignaient d’elle. L’un des médecins qui faisaient partie de l’escouade se pencha vers elle pour s’assurer qu’elle allait bien mais Kim le dégagea d’un coup de coude sec qui ne laissait aucune place à la négociation.
Elle essaya de tarir ses larmes parce qu’elle portait quand même un mascara à 80 000 wons, et releva la tête pour regarder sa sauveuse qui zieutait toujours le fond du couloir. Qu’est-ce qu’une héroïne de son rang foutait en jogging dans les couloirs de la prison, elle allait taper une sieste dans une des cellules ou quoi ?

Reprenant conscience, elle retraça les contours familiers de la silhouette restée à ses côtés – qui n’allait tout de même pas faire preuve d’empathie avec elle, fallait pas exagérer – et toussota pour récupérer un semblant de voix.

« Tu sais si tu veux un date avec moi suffit de m’envoyer un sms t’as pas besoin de monter tout un scénario d’attaque et de sauvetage pour que je tombe dans tes bras, hein. » coassa-t-elle.

Elle finit par se redresser, le souffle encore un peu rauque et court, et la queue de cheval en bataille.

« Je suis trop vieille pour ces conneries. » pesta-t-elle.

Elle refoula au fond de sa gorge une terrible envie de fumer et se massa les tempes pour faire partir la migraine, ou du moins tenter. De sa ceinture de cuir qu’elle ne lâchait jamais sortirent ses gants qu’elle ré-enfila.

« Qu’est-ce que tu fais dans le coin à cette heure ? T’es toujours barrée en intervention maintenant, il me semble. »

des ténèbres s'éprend l'impensable.
terreurs des plus faibles et terrain de jeu des plus coriaces.
il n'en demeurait que la fin pour les mauvais.

et l'évadé ne venait que de signer sa fin. désir d'évasion ébranlé par la peur de ses plus profond cauchemars. un instant de faiblesse à lui en tirer un sourire espiègle. il n'était qu'un énième démon des enfers à se perdre dans l'immobilisation de la terreur des cauchemars. un nouveau à intégrer à la liste de ceux qui ne quitteraient les cellules sous son regard accusateur. mais la suite n'était plus de son essor. un travail achevé en quelques prises, pour en laisser le plus aisé aux agents. de ceux qu'elle fut un temps, mais bien trop empli de frustration pour se complaire dans ses beaux jours soyeux.
il en fallait plus pour conserver cet intérêt.
une dose d'adrénaline en plus pour parvenir à ses fins.

— comme si c'était mon genre d'user de stratagème aussi idiot pour parvenir à mes fins. bras croisés sur le torse, elle daignait enfin faire face à la jeune femme qu'elle venait de sauver.
fantôme de son passé qui se dressait sous son regard, étirant en leurs coins ses lèvres pour une légère risette. — je préfère user des mots pour faire savoir ce que je veux. n'est-ce pas mieux d'être honnête que de se la jouer chevalier servant ?
et elle la regardait reprendre conscience du coin de l'oeil. jugeant de ses capacités à surmonter le danger qui régnait pourtant derrière chacune des portes closes. ses cellules qu'elle-même parvenait à remplir avec l'aide de son équipe. — c'est surtout que tu ne fais rien de tes journées si ce n'est écouter tes patients et parler. faut se remettre en forme tu sais. un peu d'exercice et ça ira mieux. main qu'elle aposait brièvement sur son épaule comme un signe faussement altruiste. — je ne serais pas toujours dans le coin pour venir te secourir chaque fois que ses incapables ne parviennent pas à tenir un classe V. et d'un soupire elle s'éloigne, reprenant sa position fermée de ses bras croisés sur sa poitrine, le regard figé dans le sien.
— oui toujours, mais ce soir j'étais off quand on m'a appelé pour une affaire. je venais de finir quand un agent est arrivé paniqué car le classe V avait échappé à leur surveillance. elle observait les alentours, les agents reprendre leurs habitudes comme si rien ne c'était passé quelques minutes plus tôt. — et toi ? encore avec tes patients à cette heure ?

« J’aime beaucoup les chevaliers servants, je suis vieux jeu. » convint Kim. « Avec des seins et le bidon à l’air c’est encore mieux. »

Elle se permettait une telle remarque parce qu’elles étaient seules ; du temps de la télé, cela aurait signé la fin de sa carrière en quelques minutes. Même si cela avait été autrefois son rêve, elle devait avouer que quitter la scène avait été une bonne chose pour de multiples raisons.

Malgré son haussement de sourcils circonspect, Kim ne prit pas mal le sarcasme de Swan. Elle avait conscience mieux que quiconque du fait que donner la vie avait des conséquences inévitables sur le corps, et n’avait jamais repris la forme qu’elle avait entretenu pendant des années durant son entraînement à Athena. Entrer au Syndicate six mois seulement après son accouchement avait été une surprise pour tout le monde, elle la première.

Elle haussa les épaules, terminant de se masser le cou pour récupérer une pleine maîtrise de ses cordes vocales dans un dernier toussotement qui donna plus l’impression qu’elle avait avalé une gorgée d’eau par le mauvais trou, plutôt qu’elle avait failli voir la lumière de très près.

« On a le même salaire à la fin, je suis plus dans la télévision. Pourquoi je me casserait le cul si y’a des justicières en pyjama qui peuvent accourir pour me sauver, hm ? »

Son regard de vipère soutint le sien. Elle ignora religieusement la manière dont le croisement des bras de Fade faisait pigeonner sa menue poitrine – elle ne voulait pas se prendre une volée de cauchemars dans le coin du crâne, merci bien, ses nuits étaient déjà assez merdiques comme ça.

« Etait, avant qu’on me dérange avec une fuite de villain. » répondit-elle avec un détachement qu’elle était loin de ressentir. « C’était ma dernière consult. J’ai des rapports à finir pour la direction du Syndicate et j’aurais pu les coller à mon stagiaire si on m’avait pas filé un microbe de Class-C au pouvoir complètement déréglé qui le met en arrêt maladie toutes les semaines. »

Elle passa devant elle en direction de la cuisine des employés, bras levés au dessus de ses épaules pour refaire son impeccable queue de cheval de secrétaire sévère.

« Madame la justicière en pyjama veut prendre un café avec moi ou son cul d’enfer ne mérite pas mon sofa ? »

— c'est sans doute pour cela que toi et moi ça ne soit pas aller plus loin. léger mouvement de la main à venir souligner d'un geste l'ancienne connexion qui les avaient reliés. relation éphémère prenant fin aussi naturellement que son commencement. doux songe qui perdurait pourtant dans l'esprit. juste assez de souvenirs pour rappeler le passé en quelques mots.
— je ne suis pas faites pour jouer le chevalier servant, il y aurait eu discorde bien trop tôt entre nous et c'est très peu pour moi.
simplicité à jouer sur la situation. des mots qui roulent sur la langue pour venir piquer d'amusement la jeune psychologue. et elle en souriait anya. souriait de ce passé commun partagé le temps d'un soupir.
sujet des songes charnels.
c'était ce qu'elle préférait être.
le mirage honteux qui dessine les rougeurs sur les joues. qui fait baisser le regard sur le sol, tant affronter ses iris devient challenge impossible à relever. elle se contentait des moments partagés, quelques heures à s'offrir dans les bras de l'autre, ou à laisser les mots atteindre l'âme pour s'effacer dans l'horizon.

— tu as l'air bien certaine de toi en affirmant ça. t'es certaine de ce que tu avances ma belle ? sourire en coin qui étire ses lèvres, un brin espiègle alors qu'elle s'avance d'un pas vers la jeune femme. — les justicières en pyjamas, comme tu dis, ne seront pas toujours là pour te sauver les fesses. ça serait dommage de trop espérer me voir sortir de l'ombre pour te sauver et que ... je ne suis pas là, trop occupé à chasser des plus gros poissons que ses V de pacotilles que tu ne parviens pas à maîtriser. et elle reprenait sa place, un pas en arrière, après lui avoir adressé un clin d'oeil. — après je ne peux pas t'en vouloir d'espérer que je viennes te sauver.

prête à se retirer des couloirs sombres où les cauchemars se ressentent encore, ses quelques mots l'arrêtent dans ses gestes. — j'imagine que c'est le moment de voir ça. quelques pas en avant et la voilà à la suivre jusque dans son bureau.
et elle ressentait l'ambiance particulière que les bureaux de psychologues lui donnaient sans cesse. un brin de malaise à vouloir s'échapper de la pièce au plus vite. — alors comme ça on t'as donné un mauvais stagiaire ? sourire d'intérêt qu'elle lui adressait, s'installant sans attendre sur le canapé, comme si c'était à son tour d'avoir une consultation avec la psychologue.