fire on fire (harim)

il y'avait beaucoup de choses que yeon pouvait accepter. la colère, les injures, les crises, les coups - le cœur qui vibre à cette simple pensée qui passe en éclair. même le mépris, il serait en mesure de le tolérer. tout, tant qu'il ne devenait pas invisible. pourtant, c'est bien ce qu'il a l'impression d'être depuis quelques jours à chaque fois que son regard croise celui de harim. un atome dans un univers trop grand, si infime qu'il ne méritait même plus de prendre le temps d'être écrasé.
yeon était habitué à tout, sauf à être ignoré. et il haïssait ce sentiment plus que tout.
il haïssait d'avantage harim d'être l'instigateur de ses tumultes.
il écrase le mégot de sa cigarette avec un soupir avant de replacer la veste de son costume convenablement reprendre le chemin vers l'ascenseur puis le cabinet. il passe devant le bureau de harim, silencieusement fermé.fuck him, soupire dédaigneux, grimace sur le visage poupin alors qu'il observe la porte un long moment avant de rejoindre son propre bureau. les minutes y défilent jusqu'à se rappeler de la deadline d'un dossier prévu pour demain. et ses sourcils se froncent quand il réalise qu'il n'avait plus accès au document, confus, yeon vérifie qu'il est bien connecté à sa session, tout lui semble normal et les autres documents sont accessibles. l'idée que harim se soit amusé à faire cela ne lui traverse même l'esprit alors qu'il se redresse pour rejoindre de nouveau le bureau de l'aîné, une tasse fumante de café à la main pour lui.
il toque, souffle un "sir?" tout bas alors que sa tête apparait déjà à l'entrouverture de la porte, puis tout son corps qui s'impose dans l'espace d'harim. il pose délicatement la tasse devant l'avocat avant de reculer de quelques pas, son regard tombant sur sa silhouette, aussi lourd qu'à son habitude. "anything wrong with dr.choi's case? i can't check the files anymore."

les yeux rivés sur l'écran depuis des heures se plissent, visiblement gênés par la lumière. du bout des doigts, harim les frotte avec insistance, frustré par leur sensibilité qui dure depuis trop longtemps. ses sens sont en ébullition, réagissant violemment au monde qui les entoure, comme une ode à cette colère qu'il ne sait réprimer que trop bien. même le reflet du soleil sur les gratte-ciels voisins est perçant, et le brouhaha habituel à l'extérieur de son bureau résonne plus qu'il ne l'aimerait.

de tous les sons, le plus insupportable est celui de la montre à son poignet tic, tac, tic, tac, font les aiguilles incessamment, comme si elles le narguaient pour chaque seconde qui passe, comme si elles lui rappelaient toutes celles qu'on lui a fait perdre. toute une nuit de travail abandonnée pour rien, au final, et le voilà qui s'acharne à la rattraper par rancune. mais la lumière est toujours aussi aveuglante, les aiguilles continuent à faire tic, tac, tic, tac et, dans un accès de colère, harim arrache la montre à son poignet pour la faire claquer sur son bureau, même si elle était hors de prix, même si elle était un cadeau de yeon.

et quand yeon fait son entrée dans son bureau, harim s'est déjà remis de ses émotions, l'attention de nouveau portée au travail qu'il aurait dû faire au lieu de perdre son temps – mais la montre toujours absente de son poignet. sa présence ne le fait pas ciller et sa question non plus. i gave it to hyunsu, répond-il avec désinvolture, le regard plus intéressé par son écran que par lui. seulement, il se voit incapable de se contenter de sa nonchalance habituelle et sa voix retentit de nouveau, toujours aussi indifférente malgré la cruauté de ses mots. it's getting urgent and i needed someone i can actually rely on.

il détestait l’odeur de tabac dont ses doigts s’étaient imprégnés, des relents moins familiers comme à chaque fois qu’il se décidait à arrêter de fumer avant que le moindre désagrément ne l’y fasse retourner. et il détestait harim, par alliance, pour en être la cause, son comportement (ou son manque de) devenant source d’une frustration qu’il tentait de calmer par quelques bouffées de nicotine. frustration décuplée quand il se retrouve incapable d’accéder à ce stupide document et appréhende déjà le retard que cela pourrait lui causer. il n’avait pas besoin de plus de problèmes.

alors yeon se retrouve face à harim, il brise la glace sous une excuse qui n’en était pas tant une et la réponse qu’il reçoit le fige instantanément. ses yeux continuent de naviguer sur cette silhouette qui l’ignore, au-delà des quelques mots qu’elle lui offre. « oh ! » qu’il se surprend à répondre, presque bêtement tant cette option n’avait même osé effleurer son esprit. les syllabes sont brûlantes, mais aussi agaçantes à travers la désinvolture de harim. « and, that would be hyunsu.» mi-question, mi-constat, mais la moquerie de son ton est à peine dissimulée et harim n’aura aucun mal à la distinguer. il hoche lentement de la tête, au même moment où son regard tombe sur la montre posée – abandonnée, sur un coin du bureau quand elle n’était supposé jamais quitter le poignet de l’avocat. « alright, i see. » comme une confirmation que ce simple tableau lui offre.

« and what is it that. doesn’t make me reliable? » une lenteur dans ses mots alors qu’il essaie de se dissocier personnellement de la situation, même s’il sait que cela ne durera. ses yeux ne quittent jamais cette montre qu’il aimerait rapiécé au poignet de harim de ses propres flammes.

yep, qu'il répond distraitement. les aiguilles de la montre résonnent encore dans sa tête et la voix de yeon n'est qu'un bruit lointain, noyé par le cliquetis infernal. même arrachée à son poignet, l'horloge continue de le narguer et il aimerait tant pouvoir la fracasser au sol, mais il est certain que le karma ferait retentir le bruit dans son esprit jusqu'à la fin de ses jours. les mots affichés sur son écran sont salvateurs et il s'y ancre pour oublier la frustration engendrée par yeon et la colère en laquelle elle peut se transformer. pas envie de s'énerver, pas envie de reconnaître à quel point l'absence surprenante l'a affectée. il préfère se convaincre et le convaincre qu'il n'en a que faire. you're not a lawyer, marmonne-t-il avec toujours autant de nonchalance et de désintérêt, comme s'il lui donnait simplement l'heure au lieu de souligner son ineptitude. les mots qui suivent sont pourtant bien plus amers, difficilement libérés par sa mâchoire serrée. and you don't honor your commitments. le sérieux de son ton le rattrape rapidement et, comme pour affirmer son insouciance, il lève enfin le regard vers yeon, les sourcils haussés et le sourire aux lèvres cruellement moqueurs.  but take it as a good thing, yeah? at least now, you can dedicate all your time to whatever it is you went off to the other night.

« and i wasn't a lawyer last week either when you asked me to take care of this.» qu'il rétorque presque machinalement, peu convaincu par le raisonnement de harim. ça ne l'avait jamais empêché de lui confier plusieurs dossiers et yeon sait qu'il s'était toujours parfaitement débrouillé. plus il y réfléchissait et moins cela faisait de sens à ses yeux. harim n'avait aucune raison de lui faire subir ce genre de sanctions - yeon est capable de lire les subtilités de ce message, mais il est tout autant conscient que les actions de l'avocat étaient souvent débridées de toute logique, le laissant acculé au mur, incapable de faire quoi que ce soit, si ce n'est de s'y plier. seulement, la sensation est plus amère quand le nom de hyunsu est annoncé, comme un sentiment de trahison qui n'avait pourtant rien à faire là. est-ce que les préférences de harim se sont muées ailleurs ?
son regard se serait-il détourné de lui ?
yeon refuse de laisser la pensée lui parasiter l'esprit, la rejette avec dégoût.
et la confusion sur ses traits n'est que passagère quand il comprend les allusions d'harim, mot après mot, ce sont quelques brides de sens qui lui apparaissent.« i already said that i was sorry about that, i promised that i'll make it up to you. » et certes, ses messages étaient demeurés sans réponse, mais il avait naïvement pensé que cela suffirait et qu'ils allaient simplement laisser cela derrière eux. mais harim, lui, ne semble pas être passé à autre chose. malgré lui, yeon sent son cœur s'agiter, plaisir honteux de réaliser que cela avait assez impacté l'homme. ses lèvres s'affinent en un petit sourire alors que ses yeux continuent de chercher ceux de harim. «funny, i always thought you'd be the kind of person to separate their professional life from anything personal.»

yeon est indigne de son regard, ainsi la seule attention qu'il lui offre est celle de ses mots cruels. everybody makes mistakes, qu'il souffle, et la mienne, c'est toi. il n'aurait jamais dû lui offrir son temps ni s'attendre à ce qu'il l'honore, de toute évidence, il en est incapable et l'audace dont suinte sa réponse le fait souffler du nez. mêler vie privée et vie professionelle, lui ? on ne lui avait pas sorti celle-là depuis longtemps. harim s'adosse contre son siège, les lèvres retroussées et les mains croisées sur ses genoux, chaque millimètre de son corps exprimant sa désinvolture. if i didn't separate my professional and private lives, i'd have you working in the mail room right now. sa main désigne d'un geste vague la salle du courrier où yeon serait certainement payé des centimes pour passer son temps à trier les documents avant qu'ils ne soient envoyés aux gros bonnets. or better yet, i'd have you tossed back to whatever sidewalk they found your sorry ass on. il se redresse, prêt à bondir sur yeon, pourtant ses pas sont lents et calculés pour que la distance entre eux soit assez minime pour se faire menaçante, mais reste suffisante à marquer le monde qui les sépare. you wanna talk about mixing professional and private? you might want to think about what messing around with your boss' wife after hours says about you. tous deux sont coupables de la même chose, mais leur relation n'a rien de purement professionnel. comment harim peut-il être sûr qu'il n'en vaut pas de même pour rina et lui ? la certitude lui échappe et il ne peut que déguiser ses craintes derrière un air d'inquiétude pour l'image du cabinet. sans attendre que yeon lui réponde, il lui tourne le dos pour ramasser hâtivement des tas de dossiers éparpillés sur son bureau. you wanna make it up to me? here. you can get working on the files i put off so i could get stood up by you. ses mains s'ouvrent pour laisser tomber les dossiers aux pieds de yeon dans une pile désorganisée, et les lignes qui strient son front lorsque ses sourcils se haussent recèlent tout son dédain envers lui alors qu'il claque des doigts et pointe vers le tas. pick up, boy.

everybody makes mistakes, les mots jouent dans sa tête, se jouent de lui et s’amusent à souffler un vent de tourments. devait-il lire plus entre les lignes, comprendre des insinuations qui, peut-être, n’existaient pas pour lui. seulement, harim n’était pas comme lui, chaque parole était étudiée, maitrisée, avant d’être fredonnée. tout ce qu’il dit, il le pense fort et yeon ne peut qu’y faire face. il est une vulgaire erreur que harim confesse à moitié avoir commis, puisqu’humain, et sans doute était-ce le moment de s’en débarrasser. pensée qui le fait trembler tout entier alors que harim se fait si distant et froid, de l’expression de son visage jusqu’à sa posture. par mécanisme, ses yeux suivent le mouvement de main de l’homme en direction de la salle de courrier, il ne fait face qu’à un mur mais il sait ce qu’il y’avait derrière. yeon plonge un peu plus dans le mutisme à la réalisation que son attaque semblait malgré tout avoir eu un impact sur harim. silencieusement, il se délecte. il n’a pas peur même si son instinct fait sursauter son corps au moment où le plus vieux se redresse et s’approche. un pas après l’autre, prédateur, et la distance qu’il dévore entre eux n’avait rien de bon. puis ses yeux retrouvent les siens, s’imprègnent d’une surprise qu’il ne devrait pourtant pas ressentir. « how did you know ? » avait-il seulement réussi un jour à lui cacher quoi que ce soit ? au-delà de ce que rina et lui faisaient réellement. mais là aussi, il n’avait aucune gloire, c’était l’ingéniosité de rina qu’il fallait remercier. il aimerait s’expliquer, lui assurer qu’il n’y avait rien entre elle et lui. le rassurer.

ses pensées se mettent en pause à l’instant où la pile de dossier tombe à ses pieds et habille tout le parquet, dans le regard de harim il ne retrouve que du dédain, peut-être même qu’il se muera en dégoût – comme tous les autres. et yeon réalise stupidement ses erreurs de jugement. « yes, sir. » le rassurer ? élan naïf. harim n’avait pas besoin d’être rassuré, harim ne voyait en lui qu’une poupée vivante à contrôler, puis jeter quand elle sera cassée. alors il obéit, il se fait docile quand ses genoux rencontrent le sol, tête baissée, ses doigts s’accrochent aux feuilles, une par une, et la tâche lui semble interminable. harim s’en fout de lui, il n’est pas énervé parce qu’il ne s’est pas présenté ce soir-là, mais parce qu’il était avec rina ; sa femme. « she’s not your wife anymore. » d’abord un murmure bas avant de lever la tête vers lui, le défiant de son regard malgré sa position plus faible. « you might still be married, but she stopped being your wife for years now. so why? » sa voix résonne plus clairement. pourquoi méritait-elle encore son attention ? pourquoi était-elle la seule capable de lui causer le moindre émoi ? « i didn’t touch your wife if that’s what you’re wondering. it was just for work. » et la manière dont sa langue roule contre le your wife la rend presque ironique alors que son attention revient sur les papiers à ramasser.