[TW] BLACK HANDS — PART 01

La légère brise de juin fait légèrement bouger les mèches qui retombent sur le front du garçon encore endormi, ça chatouille ses paupières, faisant froncer ses sourcils. D'un revers de main, il tente de chasser la gêne, se retournant dans les draps pour faire dos au soleil qui cogne déjà contre la fenêtre de la maison - habitation modeste, ça ne paie pas de mine, c'est suffisant pour les deux âmes qui n'ont nul part d'autre où aller.
Les muscles se contractent, il s'étire longuement avant d'enfin ouvrir les yeux, un long soupire caresse ses lèvres, son regard se perd sur les murs de sa petite chambre, des dessins accrochés partout, décorent le jaune de l'ancien papier peint. Si c'était un autre jour, il se serait levé plus tôt, plus rapidement certainement. Il aurait filé jusqu'à la cuisine, de quoi trouver quelque chose à manger avant de retourner sur ses commandes - peintre qui commence à être connu dans son petit district. Aujourd'hui, son corps est las - il se tire difficilement jusqu'à la salle de bain. Ses doigts passent dans ses cheveux, tirant dessus pour retirer les nœuds formés dans la nuit - ses ongles frottent sa chair pour retirer la crasse, la sueur d'une nuit trop chaude, à se débattre dans son lit. Le bruit de l'eau apaise d'ordinaire ses pensées, mais à cet instant, il ne pense qu'à la moisson.
Narae a 24 ans. C'est sa dernière année, le dernier tirage où son nom risque d'être tiré. Il sait qu'il y a peu de chance, et pourtant, il a la boule au ventre. L'angoisse ne part jamais, pas même après toutes ces années à regarder ces gosses aller vers leur mort certaine. Peu étaient ceux qui revenaient en vie - et quand c'était le cas, ils n'étaient jamais eux-mêmes de nouveau. Ils n'étaient plus que des fantômes, des corps vides, sans âme et sentiments. Il sait qu'il n'aurait aucune chance, son corps est maigre et fragile, Nana n'a aucune grande qualité au combat, il ne ferait jamais le poids face à un tribut des premiers districts. Ils n'en ferait qu'une bouchée - et Nana redeviendrait poussière. Il a eu de la chance jusqu'ici - pourrait prier pour que ça continue encore cette fois.

T-shirt froissé qu'il enfile, le rentrant dans son pantalon avant de se pencher pour nouer ses lacets. Face à lui, sa soeur de dos, il la regarde dans sa robe grise, souriant légèrement. You're pretty... Qu'il souffle, la joie n'est pas présente aujourd'hui - l'ambiance est pesante, et elle ne répond pas, le regarde simplement, ils ont leur propre langage, se comprennent toujours. Il se relève, prenant la brosse qu'elle lui tend pour démêler ses longs cheveux avant de lui faire un chignon sur le haut de son crâne - déposant un baiser contre l'une de ses tempes. Ses bras se referment autour des épaules de sa jumelle, lui offrant une étreinte silencieuse, les mots n'ont pas besoin d'être prononcé. Aujourd'hui, ils ont peur. Ils ont peur d'être séparé. Peur de regarder l'un d'eux partir vers sa fin. Car ils le savent - une fois qu'on est tiré, on est déjà mort.

It's time to go... Nana ajuste une dernière fois le col de la robe de sa soeur, avant de refermer à clé la porte derrière eux. Il espère franchir de nouveau le seuil de l'habitation aujourd'hui - n'a pas dit au revoir à leurs chats, par habitude. Ils reviendra bientôt, d'ici quelques heures, certainement.
Dans les rues, il y a des groupes de gamins, au regard effrayés, qui s'accrochent aux bras de leurs parents. Des adultes au regard sombre, la crainte faisant trembler leurs mains. Certains pleurent déjà - d'autres se disent adieu. Nana n'a pas envie d'être comme eux, n'a pas envie de tirer déjà un trait sur l'avenir et le présent. Tout ira bien.
Son nom ne sera pas tiré.
Sur la place, une grande estrade est installée depuis les premiers jeux, depuis toujours. Narae se souvient avoir joué dessus quand il était plus jeune - sans savoir qu'ils finira par craindre le fait d'y monter. Aujourd'hui, l'innocence a quitté son regard. Dessus, les agents du capitole s'y affairent, les urnes sont déposées, et des centaines de noms sont inscrits sur des morceaux de papier. Ils se placent en rangées, comme d'habitude. La plupart d'entre eux sont des habitués, des gosses avec qui on était à l'école, ceux qu'on croisait dans les cours de récréation. Du regard, il cherche Mei, plus vieille que lui d'un an, elle a échappé aux moissons durant 10 ans - maintenant saine et sauve. Sa main se lève, saluant son amie de loin alors qu'il sursaute, quand jeune femme sur l'estrade tape sur le micro pour vérifier qu'il fonctionne bien. Ca hérisse ses poils, tord ses boyaux. C'est l'heure.
Welcome and Happy Hunger Games. May the odds be ever in your favor. ! Nana a l'impression d'avoir entendu cette horrible phrase toute sa vie, qu'elle resume finalement la terreur qui habite chaque jeune entre 14 et 24 ans. Il voudrait ne plus l'entendre, ne plus la connaître - mais leur monde est injuste, cruel. Envoyant des gosses à leur morte certaine. The time has come for us to select one courageous young man and woman for the honor of representing District 5 in the 64th Annual Hunger Games.

Le silence se fait lourd, les voix se taisent, les regards s'échangent, chacun a peur, chacun redoute. Certains prient pour ne pas être tiré, alors que la main de la présentatrice plonge dans la première urne. Elle fouille, retourne les papiers avant d'en prendre un, le sortant de la boite transparente. Elle l'ouvre, et tout le monde retient son souffle - Nana a envie de vomir, déteste toujours autant ce moment.


Ca a l'effet d'une balle qui transperce son coeur. Son corps tout entier implose. Ce n'est pas possible, ce n'est pas réel. Ce n'est pas le nom de sa soeur qui a été tiré - non, c'est une autre. Une gamine plus jeune, bien différente. C'est pas vrai. No... Qu'il murmure alors qu'il sent la main de sa soeur serrer la sienne - il ne veut pas la lâcher, fixe le vide, l'estrade, son regard ne sait plus où s'accrocher - et au final, il s'accroche à celui de Naru. Il ne peut pas l'envoyer vers la faucheuse, et pourtant, elle s'éloigne de lui, s'approche silencieusement de la place centrale. No!! Le hurlement de Narae résonne, faisant sursauter les épaules. Il écarte les personnes autour de lui, poussant sans pitié les corps, il rattrape l'épaule de sa jumelle alors qu'il se place devant elle - position protectrice. I volunteer!
Non. Il n'a pas envie. Ne veut pas y aller.
La nausée dans sa gorge, c'est pourtant lui qui vient de prononcer ces mots.
I volunteer... Qu'il répète de nouveau, croisant tous les regards autour de lui, entend les voix chuchoter à son sujet, certains disent qu'il est fou, qu'il est inconscient - il n'en pense pas moins. Il entend Naru pleurer près de lui, crier qu'il n'aurait pas dû, qu'il mérite de vivre lui. Pourtant il ne lui adresse qu'un sourire. It's okay... Don't worry... C'est pourtant bien le premier à s'inquiéter, alors que ses pas se débloquent, poussé par les pacificateurs vers plateforme, montant les marches une par une, n'osant regarder la foule qui se fait de nouveau silencieuse - encore moins le regard de sa soeur, effondrée sur le sol. Whats your name, my dear? Le micro est tendu vers lui, il fixe ses pieds, laisse les mèches sombre cacher son regard. Il murmure, on ne l'entend pas. What? Il serre les poings, relève enfin la tête - il croise tous ses yeux, ces visages qu'il connait depuis toujours, qu'il oubliera bientôt dans un dernier souffle.
Il a signé son arrêt de mort.

Il a le ventre tout tordu, Minhun, lorsqu'il descend les escaliers. Les dévale à une allure alarmante. Comme tous les matins. Aujourd'hui n'en est qu'un parmi tant d'autres et, pourtant, il sent que, ce matin, il ne réussira pas à avaler quoi que ce soit. L'idée même d'ingérer son café habituel lui retourne l'estomac et fait battre son cœur trop vite. Croissant posé sur la table. Aujourd'hui, maman n'est pas là. Ne l'est jamais, les matins de moussons. Lèvres pincées, regard tourné vers la fenêtre où un énième bouquet de fleur se tient. A moitié fané. Froncement de sourcils alors qu'il s'affaire, cherche ses chaussures. Aujourd'hui, ce ne sont pas ses vieilles pompes de travail qu'il enfile aux pieds, mais celles reluisantes qu'il ne met que si peu dans l'année. C'est maman qui les lui a offertes. Il les déteste. Elles brillent comme au premier jour et lui font des cloques aux pieds.

Il ignore le petit déjeuner et part directement de chez lui. Seul. Comme tous les ans. Mais cette fois, c'est la dernière année. Il ne retournera jamais se tenir devant cette estrade. Ne la grimpera jamais. Soulagement qui menace de faire s'effondrer la poitrine lorsqu'enfin il en sera sûr : cette fois encore, son nom ne sera pas tiré. Du regard, il suit les adolescents qui se collent tous ensemble, comme un mur impénétrable, et pourtant. Tout risque de s'effondrer pour tout le monde, aujourd'hui. Et alors qu'il avance, mains dans les poches, enfin, une épaule vient percuter la sienne. Et alors que le regard se tourne vers un visage familier, il n'a pas le temps de saluer la présence à ses côtés qu'elle prend aussitôt la parole : « Good morning frownface ! » Soupir alors qu'un maigre sourire vient enfin étirer les lèvres maussades. « Good morning, Mao. I didn't know you'd be this happy to come by today. » Et en réalité, Minhun le sait : elle ne l'est pas. Elle est terrifiée. Il l'a lu dans son regard, chaque jour qui approchait la moisson. Il l'a lu dans les lèvres pincées et cette façon qu'elle avait de caresser son ventre de manière tendre. Pensive. Fatiguée. Si elle allait dans l'arène, cette année, elle n'en sortirait pas. Et son bébé non plus. Pourtant, elle garde ce sourire jovial, ces dents toutes bien rangées. Cette bonne humeur qui ne colle définitivement pas à Minhun. « I'm always happy to see you. » Qu'elle affirme en un chuchotement. Comme un secret qui n'en est pas un. Toujours fourrés ensemble, la jeune femme a depuis bien longtemps affirmé, d'ailleurs, qu'il serait le parrain de cet enfant qui se forme en elle. Et si il ne comprendra jamais la volonté d'en élever dans un contexte où sa vie serait chaque jour menacée à partir de ses quatorze ans, il ne peut, pourtant, s'empêcher de se sentir heureux à l'idée de porter dans ses bras l'enfant de son amie, un jour. Ses mots ne reflètent en aucun cas un plaisir d'être ici, aujourd'hui. Car personne n'est heureux. Mais tout le monde camoufle ses terreurs différemment. « I'm happy to see you, too. » Qu'il dit sincèrement. Et alors, leurs mains se retrouvent. Se joignent. Et dans une tentative d'humour pour la rassurer, il ricane : « Beware or your man may be jealous of you holding my hand like that. » elle n'a pas le temps de répondre. Il est temps de se tenir droit comme un piquet et d'observer un énième drame se dérouler sous leurs yeux.

« Welcome and Happy Hunger Games. May the odds be ever in your favor ! » Et l'estomac menace de rendre tout. Encore. Alors qu'il n'a rien. C'est la dernière fois qu'il l'entend, cette phrase. C'est la dernière fois qu'il fermera les yeux sur ces jeux car il n'est, encore une fois, pas celui qui aura à monter les marches de cette estrade. « The time has come for us to select one courageous young man and woman for the honor of representing District 5 in the 64th Annual Hunger Games. »  Et quel honneur ! Le silence est de plomb dans l'atmosphère qui se fait chaque seconde un peu plus pesante. Les doigts de la femme se tendent dans un bocal, se saisissent d'un papier. Et le premier nom est tiré. Ravageur. La poitrine a un hoquet de surprise alors que le regard cherche une silhouette sur laquelle il n'a plus posé les yeux depuis plusieurs années, déjà. Et il ne peut empêcher ce pincement au cœur qui le prend. Une compassion qui l'agace. Pas pour Naru. Pour Narae. Lorsqu'enfin il les trouve, là, dans la foule, les jumeaux maudits, Minhun sent sa gorge s'assécher trop soudainement. Le cri de celui qui n'a pas été nommé résonne dans le silence et la main, automatiquement, vient s'accrocher à celle de Mao qui serre ses doigts aussi fort qu'il ne le fait. Souffle coupé. Il l'a entendu dans sa voix : Narae est déjà en deuil.
Et alors, cette fois, Minhun baisse la tête. Parce que le drame se dessine. Narae se porte volontaire pour sa sœur et il a la gorge sèche de sentiments innommables. Ils l'amènent sur la scène et il n'ose pas le regarder. C'est déchirant. Mais plus que tout, quelque part, dans sa poitrine, son cœur fait de la voltige. Les doigts lui tremblent. « Well, Narae, I bet my hat that was your sister, wasn't it ? » Silence de plomb. les mots ne s'échappent plus. le choc prend place. Et une terreur soudaine plombe l'estomac. « Let's have a big hand for our very first volunteer, Ko Narae ! » Et l'on se croirait dans un cirque. Car lorsque Minhun redresse le visage, personne n'applaudit, sinon la femme qui, aux côtés de Narae, a l'air presque gauche. Ca s'étire, ça s'allonge. « And now, for our second tribute. » Le temps se suspend encore. Les lèvres sont pincées. Le corps est raide. Il n'entend pas les papiers se retourner entre les doigts, n'entend pas les pleurs de Naru en fond. Il n'y a qu'un sifflement étrange lorsqu'enfin, on le sort de cette transe dans laquelle il semblait trouver une part de confort.

« Oh Minhun ! »

Le souffle lui manque. Hoquet de surprise alors qu'il sent aussitôt Mao s'accrocher à sa main. Son premier réflexe est de se tourner vers son amie. Lèvres tremblantes. Comme si elle hésitait. Comme si, si elle l'avait pu, elle aurait fait preuve d'autant de courage que le garçon avant elle. Et il n'en veut pas, de son courage. Secoue la tête comme pour lui dire « Don't you ever dare. » L'on répète son prénom et cette fois, il lâche sa main. Redresse le menton, inspire profondément, et sort d'entre les rangs qui se sont écartés pour lui laisser place. Il est escorté. Il monte les escaliers comme l'on monterait des marches à reculons. Le regard glisse sur la figure de sa mère qui, derrière la présentatrice, se tient toute droite. Crispée. Quelle ironie, de se retrouver là. A ses côtés. Il ne croise pas son regard, car il sait ce qu'il y trouverait : du regret, oui, mais de la détermination. Et il a envie de s'excuser quand, à la place, ce sont les yeux de Narae qui se posent dans les siens. Car elle le laisserait crever pour son fils. « Here we are ! Our tributes from district five ! Well, go on you two, shake hands. » Et il baisse les yeux vers cette main qui se tend. N'a aucune envie de le faire et, pourtant, tend le bras à son tour. Serre la main de Narae avant de la relâcher abruptement. Brûlé par des années de rancœur. Par une colère qui n'aura jamais tarit.
Pourtant, il n'aurait jamais voulu le tuer auparavant.
« Happy Hunger Games. And may the odds be ever in your favor. »


L'attente semble interminable. Pourtant, cela ne doit pas faire plus d'une poignée de secondes qu'il est là, à attendre dans une pièce aux murs gris. Tout est gris. Tout est laid. Il a la mort dans l'âme, Minhun. Car il n'a qu'une chance sur vingt-quatre de sortir vivant de cette arène. Et il n'a jamais été des plus chanceux. Il ne réalise pas. Pas encore. Ce n'est que lorsque la porte s'ouvre enfin qu'il se redresse, qu'il croise le regard de Mao et, derrière elle, de Gaon. Sourire qui se brise comme fêlé sur le visage de son amie, il n'a que quelques secondes pour l'attraper entre ses bras lorsqu'elle se jette contre lui en sanglotant. Et alors, les vannes s'ouvrent.
Alors, il se permet de commencer le deuil de Oh Minhun.
« It's so unfair. I'm so sorry, Min. I'm so sorry- I- » Il la coupe en se reculant, larmes glissant sur la courbe de ses joues. Il prend délicatement le visage de la jeune femme entre ses mains et secoue sa tête de gauche à droite. « It's okay. I'm glad it wasn't you. » Qu'il murmure. Et alors, le sanglot qui s'échappe d'entre les lèvres de la jeune femme est plus laid, encore. Plus brisé. Elle lui caresse les cheveux, passe ses mains sur son visage, l'observe avec une attention si particulière qu'il se demande si elle ne cherche pas à se souvenir, là, maintenant, de ce à quoi il ressemble pour ne jamais l'oublier. Doucement, les mains de Minhun trouvent le ventre rond de la jeune femme alors qu'il demande, tout doucement : « What's their name ? » « You'll know when you get back to us. » « Mao- Please- » Et la voix s'accroche. « Lya. Their name is Lya. » Le regard glisse sur Gaon d'un air reconnaissant. Homme respecté dont il n'a pourtant jamais été très proche, il le voit dans son regard : les regrets. La peine de sa femme se reflète sur ses propres traits. « Lya. » Qu'il répète alors qu'il entend les gardes revenir. « Promise me you'll come back to me, Min. You have to promise. » Qu'elle sanglote en tenant ses mains fort entre les siennes. Et il se sent horrible. Il pense à Narae. « I promise. » Qu'il affirme assez fort pour qu'elle l'entende, lorsqu'ils sont amenés dehors. Lorsque les portes se referment, il se met à sangloter.
Il n'a jamais aimé lui mentir, à Mao.

Dans son crâne, les voix résonnent encore. La scène se joue en boucle. Le nom de Naru est appelé, elle sort des rangs sous ses yeux et lui se presse pour la prendre dans ses bras, pour la protéger, cette soeur ainée qui est pourtant si fragile face à lui. Il s'entend prononcer son propre nom, voit ses pieds gravir les escaliers jusqu'au micro, jusqu'à cette estrade qu'il n'a jamais autant détesté qu'à ce jour. Son regard est rivé sur ses chaussures, n'ose pas affronter la pitié sur les visages de ces gosses avec qui il a grandi, d'autres qu'il a observé à travers les années.
Et demain, il ne pourra plus jamais les revoir.
Demain, il sera mort.
Enterré au fond d'une fosse commune près du capitole,
Sans même une pierre tombale.
Well, Narae, I bet my hat that was your sister, wasn't it ? Ses ongles s'enfoncent dans la paume de ses mains, ses dents mordant avec violence sa lèvre inférieur - Fuck. Fuck, fuck, fuck!! Ses jambes tremblent de peur, d'injustice, peut-être même de colère envers ce monde, envers ce gouvernement sur lequel il aimerait cracher - et pourtant, ça serait si facile de l'abattre au premier petit doigt levé. And now, for our second tribute. Son dos se tend, sa tête se redresse, son regard roule pour suivre la main de la jeune femme aux couleurs qui pétillent - ça arrache sa rétine. Qui sera désigné pour le tuer ? Qui ira en enfer à ses côtés ? Qui-
Le silence.
Lourd.
Pesant.
Même les oiseaux ont peur de chanter.
Les souffles se stoppent.
Oh Minhun !
Les épaules de Narae sursautent, ses yeux s'écarquillent alors qu'il cherche le garçon dans la foule, sonde chaque visage, chaque allure et il reconnaitrait la sienne parmi tant d'autres - lui qu'il a tant observé, aimé en secret, quand c'est lui, Nana, qui a brisé leur relation. Aujourd'hui, ils ne sont plus rien, si ce n'est que deux opposés, l'un survivra peut-être, l'un tuera l'autre, ils ne pourront pas s'en sortir ensemble. Non. C'est soit lui, soit Minhun.


It can be... Murmure t-il, les mots s'échappent à peine d'entre ses lèvres, l'air grave de marque sur son visage, il suit la silhouette qui se détache de la foule, l'admire sous ce soleil qui, aussi beau soit-il, n'annonce que la fin. Il se demande, Narae, à quoi pense Minhun. S'il a peur. Non
Il en est sûr.
Il est terrifié.
Et il ne l'a jamais autant compris qu'aujourd'hui.
Ils ont peur.
Leurs regards se croisent, y'a de la pitié que celui de Nana, et dans celui de Minhun, tant de sentiments qu'il n'arrive pas à nommer. De la colère, certainement. Des regrets ? Non, c'est à Nana de regretter. De l'incertitude, oui. Here we are ! Our tributes from district five ! Well, go on you two, shake hands. Ah. C'est un contact qui pourrait le brûler, le tuer sur place. Le briser à tout jamais - le souvenir d'un baiser avant le rejet. Le souvenir d'une étreinte sous les arbres, une brise de printemps pour soulever leurs mèches. C'est tout ce que Nana lui a donné - la seule chance qu'il leur a donné, avant de tout massacré d'une fuite, d'un abandon. Sa main se tend, tremblante, presque moite à force de serrer ses propres doigts. Ils se frôlent, se touchent pour la première fois depuis des années, et si ses jambes étaient de papier, il se serait déjà écroulé sur le sol. Ca dure qu'un instant, une fraction de seconde. C'est tout, c'est déjà trop.


L'air n'a jamais paru aussi lourd, les murs aussi étroits. C'est presque bruyant, dans cette petite pièce, d'entendre son propre souffle, sa propre respiration. C'est insoutenable, cette angoisse qui empoigne son coeur, cette terreur qui poignarde ses entrailles à chaque seconde - il se pince de temps en temps, espère que ça ne soit qu'un mauvais rêve. Mais Narae ne se réveille jamais. Narae est ancré dans cette réalité morbide et nécrosée. Face à son destin. Nana! La voix de Naru brise le silence dans lequel il s'était enfermé, faisant sursauté son frère alors qu'elle se jette à son cou, les sanglots qui coulent de plus belle alors que les bras du garçon se resserrent autour de sa petite taille, enfouissant son nez contre son épaule - odeur rassurante, ça lui rappelle la maison, un endroit dont il a déjà fait le deuil. I'm okay... Il ment. Evidemment qu'il ment. Oh Nana, don't lie to me! Why did you do that? I could have gone! Elle attrape les épaules de son jumeau, secouant avec douceur son corps, bien qu'il soit plus grand. It's okay. You have to live. Just enjoy your life.
Elle fronce les sourcils, la main se lève avant de claquer contre la joue de Nana.
C'est certainement le dernier souvenir qu'il aura d'elle.
How can I enjoy my life when my brother, my only family, is heading straight for certain death?! How?! You must win Nana, you must succeed, you must come back to me! Et il reste là, bouche bée, ne sachant plus quoi dire, les larmes coulent d'elles même. Enfin, elles ne se cachent plus, ces traitresses. I'm sorry Naru i-... I’ll try to come back... I’ll do everything to... Mais comment lui avouer, à Naru, que lui est déjà mort de l'intérieur ? Don't be so hard on him, Naru. Mei ferme la porte derrière elle, se faisant une place auprès des jumeaux, elle glisse un regard vers Naru, un léger sourire pour la rassurer, avant de s'adoucir encore plus face au condamné. Do your best Nana. I believe in you. I'll take care of Naru, don't worry about us, 'kay? Et il n'y a pas de mots qui s'échappent de ses lèvres, c'est seulement son corps qui accueille ceux de sa soeur et de sa meilleure amie. Les serrant plus fort que tout.
Il sait que c'est probablement la dernière fois.
Leur murmurant à quel point il aime ces deux femmes.
Qu'il tentera de faire son maximum pour revenir.
Mais est ce qu'il y croit lui même ?


Les transports, ça n'a jamais été son truc. Le train le rend malade, pour le peu de fois qu'il a eu la chance d'y monter. Narae a été baladé de district en district, de foyer en foyer avant d'atterrir dans le cinquième. Il se demande parfois, si ça vie aurait été meilleure ailleurs. Aujourd'hui, il se demande s'il aurait été tiré pour les jeux.
Son estomac termine de rendre le maigre déjeuner qu'il a avalé. Il tire la chasse d'eau avant de se rincer la bouche, nettoyant son visage au passage - il croise son reflet. Ses cernes creusent son regard, son teint est pâle, les pommettes d'ordinaire rosées, ont laissé sur sa peau, un air blafard. Il n'a plus sa splendeur de ces derniers jours. Non, Nana n'est plus vraiment là.
Ses pas se font presque à reculons, quand il se dirige vers le wagon principal où Minhun est, accompagné de sa mère, leur mentor. Posant sa main sur la poignée, il prend une grande inspiration. Don't be scared Nana, it's okay. No, it's not. Il fait glisser la porte dans un silence pesant, les yeux rivés sur lui. Il s'excuse de son absence d'un mouvement de tête alors qu'il vient prendre place dans l'un des fauteuils, à côté de Min, ses mains qui se posent contre ses genoux. Are you sick? Il hoche la tête, un peu trop vivement. No, not really. I’m having trouble with the train. That’s all. Elle le juge du regard, pense certainement qu'il est effectivement, trop faible. Good. It would have been a pain to have a disability among my tributes. Le garçon ravale sa salive, difficilement, la remarque hérisse ses poils, mais il se tait, n'a aucun pouvoir face à elle. Il n'a pas son mot à dire, de plus, c'est la mère de Minhun, et il sait que lui confère une quasi victoire entre eux deux. You’re going to fight to survive. But I’m not betting on the weak, or the unlucky. Only one of you will survive, and here, we already know who will prevail.
Nana le sait, au fond, elle a raison.
Elle protégera son fils, coute que coute. C'est ce qu'une mère ferait, non ?
Est ce que c'est ce que sa mère aurait fait, si elle ne s'était pas suicidée ? Il n'en sait rien, pourtant, il acquiesce sans broncher, sans se plaindre. Il accepte son sort. I know. I understand.

C'est injuste,
Mais c'est comme ça.

Le luxe qui l'entoure lui donne envie de vomir. La femme qui, quasiment en face de lui, préfère observer silencieusement sa manucure comme si c'était la chose la plus importante au monde, elle, lui donne envie de l'obliger à le regarder en fracassant son crâne contre la table face à elle. Parce qu'il est là et qu'il va crever dans moins de quatre jours. Parce qu'il n'a plus beaucoup de temps et qu'elle s'en fiche.
Parce que le capitole s'amuse de vies insignifiantes et s'amourache de cadavres vivants.
Mais il sera un meurtrier bien assez tôt. Pas besoin de déjà le devenir. Alors il ignore la robe bleue diamant de la poupée parfaite qui lui fait face, ne prend que quelques secondes à glisser un regard sur son maquillage si parfait que l'on pourrait croire un tatouage et repose les yeux sur le paysage qui défile vite. Très vite. Trop vite. Le temps semble se figer, comme dans une capsule. Comme dans une prison. Et Minhun n'en sortira plus jamais. Dehors, les arbres n'ont plus de forme, les lacs non plus et les humains encore moins. Flou artistique. Ca se reflète dans son âme alors que sa poigne se resserre sur les accoudoirs du fauteuil sur lequel il avait trouvé refuge sans pouvoir plus s'en relever.

Du coin de l'œil, il observe une silhouette faire des vas et viens dans le wagon. Elle n'a encore rien dit. Ne lui a pas souri. Ne l'a pas pleuré. Sa mère est là, stricte et fermée comme si ce n'était pas son fils que l'on avait appelé pour le jeter à la mort. Comme elle, quelques années auparavant. Et lui, il fait mine qu'elle n'est pas présente dans la pièce. Fait mine que son cœur n'est pas en miettes d'avoir du se séparer de Mao et de cet enfant qu'il ne connaîtra jamais. Fait mine que ses mains ne tremblent pas. Fait mine qu'il ne pense pas au fait que c'est avec Nana, qu'il va entrer dans cette arène et qu'il aurait préféré tuer Naru en première.

Narae entre et Minhun tourne aussitôt le visage vers lui. Comme s'il l'attendait. Comme si de toutes les personnes présentes dans cette pièce, il était bien le seul à mériter son attention quand ça n'était même pas le cas. Mais c'est comme ça depuis qu'il l'a vu pour la première fois. Peut-être était-ce pareil pour Narae, tout juste arrivé dans le district cinq et aussitôt entouré des rires presque jumeaux de Minhun, Mei et Mao. Une familiarité certaine qu'il a jeté en même temps qu'il s'est débarrassé du cœur de celui qui l'avait aimé. Et si, aujourd'hui, il n'y a plus qu'une colère sourde qui menace chaque fois qu'il voit le beau visage de l'homme, Minhun ne peut s'empêcher de grincer des dents à la question que lui pose sa mère. Pour la première fois depuis que son nom a été appelé, il redresse le visage vers elle. « Only one of you will survive. » « And it might be him. » Qu'il affirme presque aussitôt que sa génitrice ait fermé la bouche, absorbant presque les mots de Narae étouffés par les siens. Le regard de braise qu'elle lui porte ne lui fait ni chaud ni froid mais il le sent, là : cette colère soudaine qu'elle ressent à l'idée que son fils ne donne pas le meilleur de lui-même pour survivre. Il ne défend pas vraiment Narae. Est simplement agacé à l'idée qu'elle mette son fils en avant sans même feindre un quelconque intérêt pour l'autre tribu qui l'accompagne. Et Minhun ne s'estime pas plus important que quiconque.
Pas même de Narae.

« It might. But you're stronger than he is. » Elle a raison. Minhun travaille le bois depuis plusieurs années, déjà. Sculpte, construit, et la corne de ses doigts en est témoin. Pour autant, il ne la laissera pas proférer de tels propos en toute impunité. Est-ce là le propre d'un enfant, que d'essayer d'argumenter face à son parent ? Il n'en sait rien, Minhun. A toujours aimé sa mère, jusqu'à ce qu'il ne ressente toutes ses attentes comme un poids immense reposant lourdement sur ses épaules. « Isn't it your job to train him to survive, then ? » Silence lourd. Mina, elle aussi, semble soudainement retenir sa respiration après avoir lâché l'inspection de ses ongles déjà parfaits. Il fronce les sourcils et accentue ses propos : « You already gave up on him. You have two chances to win again this year, and yet you prefer to bet on only one them. You're shit at gambling. » « Don't talk to me like that. » « I'll talk to you as I please. You're not my mother, here. You're our mentor. And you should act like it. » Et il voit la main de la génitrice trembler. Frapper la table, maintenir son regard quelques secondes. Elle a la braise dans les yeux. Elle est énervée. Il ne peut lui en vouloir. Ces derniers temps, tout ce qu'ils semblent partager, ce sont des cris et des engueulades. « We should arrive tomorrow morning. Try to sleep, you'll need it. » Qu'elle affirme sèchement et Minhun le prend comme une victoire. Elle n'a pas le temps de voir le sourire en coin qui se dessine sur les lèvres de son fils que, déjà, elle se retourne pour probablement rejoindre sa propre chambre. Mina reste là, interdite pendant quelques secondes, avant de s'excuser et de la suivre.

Laissant les deux hommes ensemble.

Et Minhun se sent presque trop con d'avoir fait fuir sa propre mère, maintenant. Il pourrait l'imiter. Retourner dans sa chambre. Il ne le fait pas. Le regard ne se pose toujours pas sur Nana, fixé sur la porte fermée. L'estomac fait de la voltige, encore. Pour une raison tout à fait différente, cette fois. Se sent idiot. Il n'a rien à lui dire, à Narae. Lui avait déjà exprimé tous ses sentiments. Ses amours et ses déceptions. L'avait insulté avant de partir comme une furie aurait pu le faire. La tension entre eux pourrait être coupée au couteau. Et il ne sait pas pourquoi il ne part pas. Se lève, dos à Narae, et se saisit d'une pâtisserie au citron. Il croque dedans. Le silence s'allonge. Et finalement, Minhun se retourne. Finalement, il regarde l'autre droit dans les yeux et demande, de but en blanc : « Why did you do that ? » La voix est calme mais un peu critique. La question pourrait vouloir dire plein de choses. Pourquoi s'est-il porté volontaire ? Pourquoi n'a-t-il pas répondu à sa mère ? Pourquoi il lui a brisé le coeur en le rejetant comme une merde ?
Mais Minhun ne précise pas de quoi il parle et l'observe comme le ferait un aigle face à sa proie.

Nana a l'air minable - n'a jamais eu autant l'air misérable. Son teint est blanc du mal des transports, et sa mine est rongée par la tristesse et l'anxiété qu'il tente de cacher dans le fond de ses entrailles. Est-ce que Minhun aussi, à peur ? Il hésite, doute un instant.
Oui.
Mais il ne le dit pas, et aucun des deux ne le dira. C'est comme ça, parce que les faiblesses ne se montrent pas, plus. Encore moins à l'aube des jeux, à l'aube des morts que l'on viendra célébrer par des artifices et bien des coupes de champagne, autour de paris que certains auront perdu. Et qui misera sur lui et son air faible, sur son corps fin, ses doigts prêts à se briser à chaque brise, sa bouille de poupon à peine sorti des bras d'une mère. Il n'a pas l'air fort comme les carrières des premiers districts, n'a pas la carrure de Minhun à force de travailler le bois et sa chair. Non, il n'a aucun talent si ce n'est que peindre, dessiner, et dans l'arène, ça ne le sauvera pas.
Au contraire.
Alors ça ne le blesse pas, quand on ne croit pas en lui. Non, ça ne lui fait rien, il sait. Déjà résigné. Pourtant ça cogne une partie de son coeur quand Minhun prend sa défense, relevant le bout de son nez pour planter son regard sur lui, il fronce les sourcils, aimerait intervenir, mais il n'y a pas de place pour lui, entre une mère et son fils. Il se tait, enfoncer ses remarques dans le fond de sa poitrine, et ses ongles dans le cuir de son fauteuil. Il se sent de trop, certainement comme Mina, vers qu'il louche quelques fois pour observer ses réactions - elle aussi, n'ose pas intervenir, elle lève un doigt de temps en temps, entrouvre sa bouche pour retorquer - rien à faire. Silence au milieu du chaos.
Et quand la tempête cesse - elle ne se calme pas en réalité pas, Miyeon part du wagon sans se retourner, sans même un regard pour Narae. Mina suit, elle, lui jette un dernier coup d'oeil, léger sourire compatissant - probablement hypocrite, mais Nana n'a pas vraiment le temps d'y réfléchir - parce que s'ils sont seuls et que le silence revient, dans sa tête, c'est trop bruyant.
Minhun occupe une trop grande place dans cette dernière, ça se fracasse de tous les côtés, ça cogne les regrets, cogne les pensées qui se font sans pitié dans son esprit. Sa gorge se serre, il n'a pas le coeur de commencer une discussion, pourtant il sait qu'il devrait, qu'il a tant de choses à se faire pardonner. Il n'en fait rien, observe simplement la silhouette qui se relève, son dos, sa nuque plus masculine que quand ils étaient que des gosses, ces bras musclés qu'il rêverait de dessiner juste une dernière fois pour en graver ses courbes jusque dans l'au-delà. Depuis quand a-t-il autant grandi ? Quand l'a-t-il dépassé, déjà ? Il n'en a pas souvenir, a passé ces dernières années à le fuir au lieu de trouver le courage d'accepter son amour et ses sentiments. Nana est le plus lâche de tous, et rien ne pourra racheter ses erreurs.
Alors il sursaute, quand Minhun se retourne et lui parle franchement, ses yeux plantés dans les siens, il sent son coeur s'accélérer, de quoi, il ne sait pas. Il rougit presque, se sent nu, là, dans ce wagon où il ne peut trouver refuge nul part. Il déglutit lentement. I... Ses lèvres tremblent à la recherche de ses morts, de réponses. I couldnt let her die. Et Narae tait, le fait qu'il aurait fait la même chose à sa place, que si son nom avait été tiré en premier, il se serait tout autant porté volontaire. Mais l'heure n'est pas aux aveux, non, elle est aux adieux. Pourtant eux, se sont déjà dit au revoir il y a trop longtemps. She's... Too weak for this. I am too but... Maybe I'm not selfish enough to watch her die. Pourtant, il l'a suffisamment été pour le rejeter, pour lui crier ces horreurs. I'm sorry, Minhun. About this. About the games. It's not easy for you either. Il tourne la tête vers les vitres, où le paysage défile à toute allure, tout est déformé, un peu comme son coeur. Il se lève finalement, vacille presque maladroitement, le temps de s'habituer une fois de plus au sol qui tremble de temps en temps. Il rejoint Minhun vers la nourriture, où il attrape un simple petit pain qu'il sépare en deux avec ses mains, tendant une moitié vers lui. Maybe this is the last thing we'll share. I don't want to dwell on bad memories. Parce que l'un d'entre eux finira par tuer l'autre.
Ils ont déjà les mains couvertes de sang, et Narae,
Des larmes de Minhun en plus.

Peut-être que c'est son plaisir coupable, à Minhun, de voir Nana ainsi trembler sous son regard. Rougir. Se sentir gauche. Bégayer. Il ne bat qu'à peine des cils et sous ses yeux, Narae, pour la première fois depuis des années lui adresse la parole. Ca l'énerve. Ca fait battre le cœur tout vite. Ca lui fait serrer le bois sous sa poigne alors qu'à la satisfaction se mêlent trop de sentiments : passés comme présents. L'amour qu'il lui a porté s'est habillé de rancœur. Aujourd'hui, elle aurait aimé se vêtir de vengeance. Cela se lit-il sur son visage ? Qu'en ce moment, Minhun n'est habillé que de colère ? Et cette situation est injuste. Alors il a encore plus envie de hurler au monde ses injustices. Il a encore plus envie de foutre son poing dans la joue de Narae. De cracher sur sa mère. Sentiments qui entrent en conflit. Mais quand il sera mort, il n'aura plus à gérer rien de tout cela. Alors il pariera sur Narae pour que sa mère regrette. Peut-être le mauvais choix à faire.
Minhun adore faire des erreurs. Il paraît que maman ne le regarde que lorsqu'il en fait.

« But you were selfish enough to let her watch you die. » Il sourirait presque à ses propres mots. Vils. Oh, comme il aimerait voir les regrets de leurs amours déchus sur le visage de Narae ! Se contente de quelques miettes avant de lui tapoter amicalement l'épaule. « Or not. Anyways, she'll see you kill people. » Il pense à Mao. Il pense à celle qu'il aime le plus, à la maison, et il se dit que s'il revenait les mains pleines de sang, plus jamais il n'oserait la toucher. « That's not something I wish my sister would witness. » Et pourtant. Termine sa pâtisserie en quelques bouchées alors qu'il en reprend une, le regard sombre, les cheveux retombant presque devant son regard. « I'm not sorry. You chose this when you could've avoid it. » Et la voix est lourde. Narae espère tourner la page. Minhun se nourrit de tous ses mauvais sentiments pour survivre. Le regard se pose sur la moitié de pain tendue et le regard se redresse vers Narae. Sourcils froncés. Lèvres pincées. Il serait intelligent d'accepter cette preuve de bonne volonté. De se faire un allié, dans cette arène. Mais il a le sang qui boue. Il vibre de toute cette négativité qui lui gonfle la gorge et la poitrine. « They're not just bad memories, Narae. » Il prend le pain. Ne le mange pas, non. La poigne s'écrase contre celle de l'autre et serre les doigts comme la nourriture qu'ils tiennent trop fort. Le contact l'électrise. Lui donne un frisson qui lui secoue visiblement les épaules et enfin, il se rapproche assez pour murmurer, comme un secret : « You discarded me like I was nothing and I didn't forget about that. » N'est-ce pas bien ridicule ? Lui qui prenait presque la défense de Narae, quelques secondes auparavant, se pavane maintenant de rancœur. De pardons qu'il ne prononcera pas. Il le relâche. S'éloigne juste assez pour pouvoir le regarder du haut des quelques centimètres qui les sépare. Il a presque l'air condescendant. « You'll live with those regrets. » Comme une promesse qu'il sera vainqueur et qu'il s'en mordra les doigts.
Une vengeance dans son dernier souffle.