raise y_our glass. ( shiryu )

⸻ journée interminable... mais ne les étaient-elles toute pas ? jeunesse saccagée entre les murs prisons de la corporation suzeraine. chaque jour passé à s'épuiser, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien -- énergie aspirée par l'emploi vampirique. certaines semaines plus supportables, d'autres où l'idée de se réveiller le lendemain suffit à faire perler les larmes aux prunelles. de ces journées où tout semble décidé à faire de la vie un enfer, à poser des bâtons dans les pieds à chaque respiration. aujourd'hui faisait parti de ces instants démons, de ces moments où elle avait envie de tout abandonner et de laisser la marée l'emporter.

sos lancé quelques heures plus tôt, quand la fatigue avait commencé à trop peser, à menacer de l'écraser sous son poids. rien de grandiose, rien d'exagéré ; une simple proposition de partager un verre. proposition n'ayant rien d'ordinaire si ce n'était le jour, la patience éteinte dès le second jour de la semaine ; à donner la saveur à cette semaine déjà terrible. elle traine les pieds de l'athena tower, s'enfonce dans les transports en commun encore bondés des pauvres âmes qui, tout comme elle, s'étaient fait piéger au jeu du temps supplémentaire. le quartier nord-est enfin atteint, elle ne saurait dire combien de temps plus tard. le ciel sombre d'une nuit tombante n'offre pas plus d'indications, mais le temps importe peu, elle sait qu'ils finiront par se retrouver, comme à l'habitude.

les pas la mènent jusqu'au 7eleven favoris ; celui caché entre deux ruelles résidentielles, loin des yeux et des néons de la ville. les mouvements sont automatiques quand elle y pénètre, ligne droite jusqu'aux frigos. trois canettes de bière, une bouteille de soju et un sac de croustilles s'entassent entre ses mains jusqu'à la caisse. sa présence récurrente lui épargne les questionnements alors qu'on la fait payer silencieusement. c'est sur sa table favorite, celle au coin, en périphérie de l'entrée qu'elle termine son périple. elle n'attend pas qu'il arrive pour se servir déjà une première gorgée du poison de choix.

⸻ Aucune hésitation faite, quand Haryu voit Shiyun apparaître sur son extension de main. Il aurait pu tout arrêter juste pour lui donner son attention ; alors que le  S-Class s'enfonce davantage dans cette attirance à sens unique ; ce dont il se persuade tout seul.

En accepter les propositions, immédiatement. Coeur qui bat la chamade à l'idée de la retrouver – présence apaisante, réconfortante, où tout paraît plus simple, plus facile. Il se sent bien avec elle, c'est tout. La seule qu'il a décidé de ne pas piétiner et d'utiliser pour son plaisir personnel avant de la jeter comme un vulgaire mouchoir.

Alors sa journée terminée, sans se soucier du fait que nous sommes jamais que mardi, Carmine bondit sur son SUV avant de s'en aller sans plus de cérémonie : la journée est bien avancée, et il ne trainera pas davantage. Installé dans le véhicule, le jeune homme parcourt confortablement les rues de Séoul jusqu'à sa destination ; un 7eleven éloigné des regards — une aubaine pour le héros, qui ne devrait pas être dérangé. Il se débrouille pour garer la voiture près de la ruelle, avant de descendre et de marcher jusqu'au konbini.

Haryu pousse la porte avec son épaule ; sa main encore bandée, encore douloureuse d'avoir dû s'y couper pour faire couler son propre sang — nul doute que la journée a dû être fatiguante, encore. Un sourire, timide, miraculeux mais discret vient faire remonter les coins de ses lippes – heureux de voir Shiyun, à presque en oublier de saluer la personne en caisse, rappelé à l'ordre bien rapidement. Il se retourne alors pour lui adresser les siennes d'un hochement de tête, poliment, avant de rejoindre Lex – stature imposante à s'asseoir près d'elle, main abîmée à piquer une canette à son amie, l'autre à effleurer son poignet délicatement pour ne pas la surprendre, comme s'il venait cueillir une fleur ; il se rattrapera plus tard, sur autre chose, comme d'habitude, elle le sait.

— Salut, il finit par dire, avec une certaine douceur dans sa voix.

A ouvrir sa canette avec sa main valide, le bout de ses doigts abandonnant le poignet de son amie, puis de se saisir à nouveau du contenant pour venir taper délicatement dans celle de son acolyte, et d'en boire quelques gorgées. Il sait qu'elle ne l'a pas attendu. A la regarder avec insistance, attendre qu'elle parle, savoir la raison pour laquelle elle l'a convoqué.

⸻ la sensation des bulles le long de sa trachée a un effet immédiatement apaisant. quand ses poumons hurlent de la gorgée infinie, elle s'arrache à la canette dans un soupir de satisfaction. une main vient passer contre les pulpeuses afin d'en essuyer les gouttes perlantes et l'air frais vient revitaliser son entièreté. elle se sent enfin revivre loin de la athena tower et de ses bureaux oppressants. les doigts autour de sa bière, à refuser de la lâcher comme un enfant et son biberon, elle ferme les yeux un instant pour profiter de la brise hivernale. choix controversé que de choisir l'extérieur alors qu'avril vient tout juste de débuter, pourtant l'envie de ne pas être enfermée entre quatre murs plus fort que tout. le bout de son nez déjà rosé par les éléments quand les pas annoncent une présence.

elle tourne le regard juste à temps pour voir l'ami s'installer, à subtiliser l'un des précieux contenants. le toucher doux, laisse une trace chaleureuse sur le derme même après que le contact soit rompu. hey. lancé alors que les breuvages s'entrechoquent. t'es en retard. malgré les mots presque accusateurs, elle ne fait que pointer les faits. à lui de décider s'il désire s'expliquer ; elle n'a pas besoin de savoir, n'a pas non plus envie de demander -- pas le genre à s'interroger sur ce que les autres font, pensent, à parfois espérer demeurer dans l'innocence à jamais. elle porte le goulot à ses lèvres une nouvelle fois, et termine sa première canne. entre ses doigts le métal est écrasé, ne laissant qu'un amas d'aluminium sur la table. puis c'est le sac de croustilles qui y passe, ouvert en quelques secondes avant de le reposer sur la table, éventré -- le craquement de la gourmandise brisant le silence un court instant avant qu'il ne reprennent sa domination. elle sent pourtant son regard sur elle, ses prunelles qui épient chacun de ses gestes comme s'il attendait quelque chose de sa part. j'ai quelque chose sur le visage ? les doigts qui viennent essuyer le coin de ses lèvres au cas où des miettes seraient restées accrochées à sa peau.

⸻ Ils s’installent dehors – le jeune homme n’aurait peut-être pas fait ce choix-là au vu de la météo, mais il ne demande pas à son compagnon de changer ; finalement, il n’a pas si froid que ça.

— Les embouteillages. C’est bien d’avoir une voiture mais des fois on est bloqué… Désolé.

Il hausse les épaules, ce n’est pas dramatique, mais il s’excuse quand même – plus par politesse qu’autre chose. Et aussi parce qu’il a oublié qu’il devait marcher, ne pouvant s’avancer jusqu’au lieu de leur rendez-vous avec sa voiture, trop grosse, trop longue – dans ce dédale de ruelles aux allures de coupe-gorge. Et parce que c’était Shiyun, ce n’était pas la peine de le relever – marcher n’était pas vraiment une corvée, finalement.

A la fixer davantage quand elle lui demande si elle a quelque chose sur le visage ; à se concentrer pour voir s’il y a vraiment quelque chose, se rappeler qu’ils n’ont jamais mis de mots facilement sur ce qu’ils vivaient chacun de leur côté – rarement. Il boit une nouvelle gorgée de la liqueur dorée, pour se donner contenance, peut-être, avant de répondre à son amie.

— Non ? Il finit par conclure, arrêtant de la regarder pour jeter son dévolu sur les croustilles, à son tour.


Et Haryu, il regrette de l’avoir fixée comme ça, se sent presque bête ; même, pas discret. La croustille n’est clairement qu’une excuse pour camoufler (ou du moins tenter) son trouble, espérant qu'elle n'y voit que du feu.

— J’attendais que tu ouvres le paquet, il prétend.

Et si elle avait vraiment envie d’en parler, le héros savait qu’elle finirait par le dire d’elle-même. Haryu croque dans l’aliment, toujours en silence.

— Tu m’as attendue longtemps ? Il finit par s’enquérir.

⸻ elle hoche doucement la tête aux explications ; prétend comprendre les difficultés alors que tout n'est qu'inconnu. elle n'a jamais eu de quoi s'offrir une voiture, n'a même pas de permis à son nom. poupée forcée de s'en tenir aux transports en commun comme le reste de la population, à vivre dans la boue avec les autres. mais elle le croit, n'a aucune raison de douter des paroles de l'ami. et puis, s'il lui mentait, ce ne serait qu'un nouveau nom à ajouter à la longue liste.

tout ce qui importe, c'est sa présence, et l'effet que cette dernière a sur son humeur. l'impression qu'un poids est levé de son palpitant, à la laisser respirer, un peu plus librement. rien d'excessif, mais assez pour qu'elle le remarque et qu'elle cherche le calme à ses côtés. les mots sont plutôt rares, amis préférant le silence aux longues discussions à coeur ouvert, les félures sur leurs âmes sans doute trop fraiches pour se tenter à y toucher, de peur qu'elles s'ouvrent à nouveau en déferlantes écarlates. les questions sont acceuillies par le silence le temps que les esprits trouvent les mots. et puis quand le néant s'installe à nouveau, il est brisé par les réponses. celle de ryu lui arrache un ricanement. tu n'as pas l'air convaincu. alors elle vérifie d'elle-même, observe son reflet dans l'écran noircie de son téléphone ; mets ainsi fin à la méprise. très héroique de laisser la classe c faire le sale boulot. les mots se veulent moqueur, mais aujourd'hui, plus qu'à l'habitude, ils sont teintés d'une certaine amertume. sentence mi-bénédiction, mi-malédiction, à l'avoir retiré d'un enfer pour lui en offrir un autre. un soupire vaincu quitte ses lèvres alors qu'elle tend le bras vers une nouvelle cannette. le froid du métal familier contre sa paume alors qu'elle l'ouvre sans hésitation. non pas trop. ou en tout cas, il ne lui semble pas avoir passé une éternité seule, quelques dizaines de minutes, tout au plus. le nombre flou, peu important. au final, il était là.

le froid commence à s'infiltrer sous les tissus, à venir caresser le derme déjà rafraichis par les minutes passées sous les étoiles. elle ramène ses genoux contre elle, se fait petite dans sa chaise en plastique - à la fois pour la chaleur que pour le confort. une nouvelle gorgée traverse sa gorge alors que son menton s'installe contre ses genoux, ses prunelles sur lui, à le regarder sans vraiment le voir. t'as fait quoi aujourd'hui ? à demander comme s'ils n'étaient pas tous les deux prisonniers d'une routine forcée ; comme s'ils avaient la liberté de choisir quelque chose d'autre que ce qui avait été décidé pour eux. peut-être au fond que la question qu'elle désirait lui poser, c'était : qu'est-ce que tu aurais voulu faire aujourd'hui ?, sans en avoir le courage.

⸻ Le héros porte à nouveau la boisson à ses lèvres, pour rafraichir son gosier, le visage à moitié caché par son bras et sa main alors qu’elle le taquine ; gamin timide, à presque en rougir, sans savoir comment répondre alors qu’elle relève sa réponse peu convaincante.

— Si tu veux on fait échange.

Pris d’un élan de courage, il esquisse un sourire joueur, mais pas moins sérieux, ou plutôt sincère, loin d’un reproche. Laisser le travail de classe S pour faire ceux des classes C ; c’est une idée qui lui plaît, même si cela signifie qu’il n’aura plus sa BMW affriolante pour se cacher quand il a envie de pleurer. Elle représente un certain confort dont il serait prêt à se séparer si cela signifiait acquérir une certaine liberté. Et si elle était à sa place, elle pourrait peut-être comprendre ce qu’il ressent, mais il a bien conscience qu’à ses yeux, il a juste l’air aisé et bien dans sa vie. Mais de toute façon, ce n’est pas comme s’ils avaient le choix, alors il soupire.

— Bon ça va alors, je m’en serais voulu de t’avoir fait attendre trop longtemps…

À soupirer. Qu’est-ce qu’il a fait aujourd’hui, hein ? Sans s’en rendre compte, Haryu laisse un certain silence s’installer, à envisager pendant une seconde dire l’entière vérité à son amie ; qu’il a fait le ménage pour Athena, à tuer ceux que l’on vient classer comme V-class ; héros en fuite, aspirant simplement à la liberté – à se sentir détruit rien que d’y penser, âmes toutes aussi perdues que lui, aux aspirations partagées ; pion utilisé seulement pour la nature destructive de son pouvoir. Il déteste ce genre de journées, à serrer les poings sans s’en rendre compte sur ses genoux. Avant de répondre de manière évasive :

— J’ai couru après les vilains…

À laisser le silence s’installer, pensif. Haryu l’observe un moment, petite dans sa chaise, presque vulnérable dans un sens – ou du moins en apparence. Elle l’observe à son tour, et quand il s’en rend compte, il ne peut que détourner le regard, avant de reprendre une gorgée du liquide ambré. Il soupire, encore, repose la canette sur la table devant eux.

— J’aurais préféré faire autre chose. Et toi ? Tu as fait quoi ?

À se tortiller dans sa chaise, parvenir à ouvrir le manteau pour y glisser sa main, en ressortir la boite mortelle ; un paquet de cigarette dont il en ressort un bâtonnet qu’il vient coincer entre ses lèvres. Puis il vient ranger le paquet avant de farfouiller dans une de ses poches, à la recherche de son briquet, puis l’autre. Et finalement, allumer la cigarette dont il inhale les vapeurs toxiques avec enthousiasme.

⸻ les moqueries sont échangées, mais l'air demeure lourd, pesant, étouffant ; ambiance qui les poursuit constamment, qu'ils créent eux-mêmes de leurs passés et pensées sombres. les nuages qui semblent les poursuivre sans jamais pouvoir les semer, parce qu'ils résident au fond du palpitant, s'échappent de chaque respiration pour assombrir leur ciel. le désespoir devenu si naturel qu'on ne s'imagine pas vivre sans, que l'avant a parfois des apparences de rêves éveillés. si tu veux on fait échange. les mots moqueurs, le sentiment joueur -- pourtant c'est l'effet d'une douche froide dans le pulsant. c'est le rappel du passé, de cette époque où elle appartenait aussi au firmament, où elle côtoyait les étoiles. c'est le souvenir des paillettes acérées qui s'enfoncent sous le derme pour couper à même l'âme ; ce sont les mots poisons qui s'invitent dans les veines et les moqueries perfides qui l'avalent, l'entrainent dans les tréfonds à chaque instant. c'est sa respiration qui s'accélère jusqu'à en faire mal à ses poumons, ses prunelles qui le regarde sans le voir ; les scènes d'antan s'invitant dans l'esprit à en faire briller des perles salées au coin des prunelles. ce sont les doigts qui serrent, et serrent, font craquer le métal et déborder le liquide ambré sur son derme. coupée du monde un instant, c'est le froid du breuvage qui la ramène à la réalité. shit... désolée. ça glisse maladroitement sur les lèvres alors qu'elle s'efforce de contrôler les dégâts, absorbe le lac naissant sur la surface des quelques serviettes disponibles. sa propre main, séchée, en la secouant à quelques reprises face au manque de ressources.

retrait stratégique, elle se fait petite dans sa chaise, embarrassée par sa réaction. habituellement capable de garder son sang-froid, aujourd'hui pourtant, tout semble glisser entre ses doigts ; à la laisser dans une vulnérabilité singulière. sa tentative pour changer de sujet plonge l'ami dans un état pensif, et lui octroie les précieuses minutes nécessaires à reprendre le dessus sur sa psyché chancelante. les mots sont banaux, l'échange superficiel ; les vrais sentiments sont palpables, bien que jamais ouvertement partagés -- amitié entière basée sur le support silencieux, sur cette camaraderie née du voyage dans les abysses. elle l'observe dans un silence confortable ; regardent ses doigts menés par l'habitude à se munir d'un bâton de tabac. ses doigts se tendent vers lui, paume vers le haut -- réclame sans un mot sa propre dose de poison. et alors qu'il profite des effluves, son pied s'échappe pour venir heurter son mollet, pas assez fort pour le blesser, mais assez pour demander son attention. le bout de son nez qui pointe sa paume alors que ses prunelles l'implorent de céder à sa demande.

⸻ Haryu, il s’en fiche de la bière qui coule partout ; c’est le cadet de ses soucis, quand il remarque les perles salées aux coins des yeux de la jeune femme. Quand son cœur rate un battement – parce qu’il l’a blessée ; sans le vouloir, et ça lui fait mal au palpitant, lui aussi. À se rappeler sans cesse que sa propre tristesse ne fait que blesser les autres ; peu importe la façon dont il l’exprime – consumé et vicié par la dépression.
L’idée que les médicaments et l’alcool ne font pas bon ménage finit par lui effleurer l’esprit ; mais peu importe, c’est trop tard de toute manière.

Son bras se tend dans la direction de son amie, et il ne peut empêcher la pulpe de ses doigts de toucher sa joue, de glisser et de s’immiscer pour en faire disparaître les larmes avant qu’elles ne deviennent calamités.

— Désolé. C’est moi. J'ai dit ça sans réfléchir… Et ça t’a blessée.

À retirer sa main, avant que ça ne devienne trop gênant ; à se rendre compte qu’il dépasse peut-être les bornes – à en devenir presque trop évident, pour finalement détourner le regard, tournant la tête alors que le rouge finit par lui monter aux joues – à se demander si c’est l’alcool qui tape aussi fort sur son système ou il est simplement gêné par ce qu’il vient de faire. À la laisser se faire petite dans sa chaise, alors qu’il se fait lui-même petit dans la sienne – pour des raisons très différentes.

— Je n’avais pas l’intention de paraître mesquin ou hautain, il finit par ajouter.  

C’est que s’il avait pu, il lui aurait sincèrement donné sa place ; place dont il ne voulait pas et dont il n’avait jamais voulu. Il sait, qu’elle en ferait sûrement meilleur usage que lui, qu’elle en profiterait peut-être plus que lui. S’il avait le choix, ça ferait bien longtemps qu’il ne serait plus un héros.
Haryu reprend ses esprits seulement quand Shiyun lui met un coup dans le mollet. À finir par lui tendre sa propre cigarette et d’ajouter, avant qu’elle ne s’indigne qu’il ne lui en donne pas une entière :

— Je vais acheter autre chose à boire ; tu veux quelque chose ?

Tout à fait conscient qu’il ne pourra pas boire une deuxième canette comme son amie – à moins de vouloir devenir une autre personne, et à vouloir lui montrer à quel point il est misérable ; et ça, il ne veut pas.

— J’ai envie de manger des ramyeon. T’en veux ?

Bien entendu, en tout bien tout honneur.

⸻ c'est glacé contre le derme, comme si chacune de ses larmes s'étaient transforméeen torrent pour les noyer. volent déluge coupé court quand elle réalise que ses émotions ont filé entre ses doigts. ça l'embarrasse, et ça la surprend ; elle avait cru que ses émotions s'étaient dissipées avec le temps, que tout n'était que teintes fades embrouillées.

dans sa gêne, elle n'ose pas le regarder ; cherche à évader la situation. si elle le pouvait, elle aurait disparu -- telle une étoile, elle se serait effondrée sur elle-même jusqu'à ne plus être. mais la misère n'a pas de fin quand elle est auto-infligéée, quand c'est au fond des entrailles qu'elle prend forme. les mots qu'il marmonne ne font qu'accentuer sa culpabilité -- et tous les deux se retrouvent trempés par la peine.

c'est pas ta faute... qu'elle murmure finalement. c'est de la sienne. c'est sa faute à elle d'avoir proposé cette rencontre, simplement pour fissurer à la première roche. sa carcasse trop fragile incapable de contenir les émotions assassinées ; les morts s'accrochent à ses chevilles pour la tirer vers le bas, et c'est en s'accrochant à toi qu'elle t'entraine sous les vagues. un nouveau soupire quitte les lèvres, ses lèvres entrouvertes comme si elle voulait ajouter quelque chose alors que les mots demeurent coincés au fond de la gorge. elle détourne finalement le regard, laisse le silence l'emporter.

ce n'est que lorsque les minutes se sont échappées et que le temps s'est remis à couler, qu'un semblant de normalité s'installe à nouveau. poison de choix glisse entre les doigts ; et pas le moindre mot vient à l'esprit alors qu'elle porte le bâton de tabac à ses lèvres. solennelle dégustation alors qu'elle réfléchit à sa question, empreinte de sérieux ; comme si son futur entier serait décidé par sa répondre. une nouvelle arabesque de fumée glisse entre ses lèvres alors qu'elle s'extirpe de sa chaise. je viens avec toi. incapable de se décider sans avoir toutes les options sous les yeux. mais entre ses doigts, la cigarette est encore presque neuve, alors elle la lui tend. aide-moi à finir avant.